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    goering

    Bonhomie en raison de son physique, était, en fait un dangereux toxicomane, s'adonnant régulièrement à la morphine, à la cocaïne et à la codéine. Un ministre qui a longtemps travaillé avec lui a déclaré :

    Etre immoral et criminel, son comportement était si théâtral qu'on ne pouvait le comparer qu'à Néron. Mais, une fois désintoxiqué par les médecins américains lors du procès de Nuremberg, Goering apparut comme un redoutable debater, brillant par son intelligence et ses dons d'orateur !

     

    En fin de compte, Goering frappe par son infantilisme, son égocentrisme, son besoin de paraître, son désir de puissance, autant de symptômes signant une immaturité affective manifeste, expliquant des besoins affectifs de substitution.

     
    goering

    Goering le toxicomane
    L'histoire de l'intoxication de Goering est tout à fait celle des intoxiqués accidentels qui formaient à cette époque la majeure partie des morphinomanes.
    Goering fut blessé une première fois en 1916 puis une seconde fois au niveau de l'aine droite lors d'une fusillade à Munich à l'occasion d'une tentative de prise du pouvoir. Il reçoit ses premières injections de morphine car il souffre beaucoup ; en moyenne deux piqûres par jour. Goering continuera à s'adonner à la morphine en prétextant des douleurs intolérables provenant de ses blessures. Dans certaines circonstances, il sait qu'il peut compter sur la morphine pour être plus joyeux et plus exubérant.


    En 1925, Goering retourne en Suède où vivent ses beaux-parents et il accepte une cure de désintoxication pendant trois semaines. On avait alors sous-estimé les doses de morphine qu'il s'administrait et les médecins suédois crurent pouvoir ordonner un sevrage brutal. Il y eut quelques difficultés, des moments de manque et de délires. Les médecins suédois, convaincus d'avoir affaire à un simulateur ou à un petit malade mental, utilisèrent une méthode de sevrage lent. On possède les documents cliniques indiquant les types de produits de substitution et les calmants utilisés pour combattre les effets de la privation de morphine. Goering rechute assez rapidement, de telle sorte qu'on peut admettre que Goering n'a jamais abandonné ni la morphine ni la cocaïne et qu'il dut à plusieurs reprises, longtemps plus tard, se soumettre à des cures énergiques, la dernière ayant été ordonnée par les médecins américains après son arresta tion.

     


    Outre sa toxicomanie, Goering était un bon vivant, succombant périodiquement à des crises de boulimie.

     

    En 1933, lors de la prise du pouvoir par Hitler, il pèse 127 kg.

     

    En 1939, Goering contracta une nouvelle toxicomanie vis-à-vis de la paracodéine, extraite de l'opium, qui est un calmant efficace, plus couramment employé sous forme de sirop contre la toux ; il en prenait dix comprimés par jour tout en se piquant avec des injections de morphine.

     

    Lors de l'offensive contre l'Angleterre, Goering absorbait trente comprimés de paracodéine par jour.

     

     


    Lors de son arrestation Goering avait avec lui deux valises pleines de pilules de codéine et ressemblait à un démarcheur en produits pharmaceutiques; il fut immédiatement confié aux soins de deux psychiatres.

     

    Lorsqu'il fut transféré à la prison de Nuremberg, en septembre 1945, Goering avait perdu 36 kg et ne pesait plus que 91 kg.

     

    Il est intéressant de noter que Goering n'accepta une cure d'amaigrissement que lorsqu'il sut qu'il comparaîtrait devant un tribunal international.

     

     

    goering et hitler
    Personnalité de Goering

    Généreux pour certains, sentimental pour d'autres, il fut avant tout un être cynique sans foi ni loi comme en témoignent de nombreuses reparties qu'il fit au procès de Nuremberg lors de ses interrogatoires successifs par les procureurs des pays alliés.
     
    Le plus bel exemple de cynisme de cet homme est représenté par ses propres paroles au sujet de la projection des films tournés dans les camps de concentration : « Jusqu'à ce qu'ils passent ces films, c'était un bon après-midi, on lisait mes conversations téléphoniques à propos de l'affaire autrichienne et tout le monde riait avec moi et puis ils ont passé ces films épouvantables et cela a tout gâché. »
    Il en va de même pour ses commentaires au sujet des films russes : « N'importe qui peut fabriquer un film d'atrocités. Il suffit de déterrer les cadavres et de montrer un tracteur qui les enterre à nouveau. »
     
    Il a constamment nié sa participation, malgré les preuves établies, à différents crimes et assassinats et sa responsabilité dans le déclenchement et la conduite de la guerre. C'est le même cynisme qu'il affiche dans la conversation qu'il a avec le psychiatre américain au sujet de Röhm.
     
    Constatant qu'avant de devenir rivaux ils avaient été des amis sincères, le psychiatre Kelley l'interrompit pour lui demander comment il avait pu faire une chose pareille à un ami. « Goering s'arrêta de parler et me regarda avec surprise, comme si j'étais un demeuré.
     
    Ensuite il haussa ses larges épaules et me dit lentement en appuyant sur chaque syllabe :
     
    "Parce qu'il me gênait ! " »
     

    Pendant les années de son intoxication certains traits de la personnalité de Goering sont exaltés à la limite de la caricature : sa colère devient violence comme on pourra s'en rendre compte lors du procès de l'incendie du Reichstag en septembre 1933.
     
    Pendant la guerre, accablé par les revers de l'invasion allemande, Goering en vient à insulter les pilotes allemands, leur reprochant leur inefficacité ou les accusant d'avoir gagné leurs décorations par le mensonge.
     
     
    goering

    Bouffi et arrogant
    Ciano, l'ancien ministre des Affaires étrangères de Mussolini, notait dans ses carnets :

    « Goering est le plus humain des chefs allemands, mais c'est un émotif et un violent qui pourrait devenir dangereux. »

     


    Il est méticuleux pour les soins de sa personne et se poudre après le rasage ; d'autre part, il possède une garde-robe très importante tant d'habits civils que d'uniformes dans lesquels il aime à se pavaner. Il est très exigeant quant à leur coupe. Il dessinera lui-même celui de Grand Veneur, un de ses nombreux titres ronflants, et celui de la Luftwaffe.
    Conscient de son importance, il se dote d'une police personnelle ; d'autre part, il se fit établir un arbre généa logique fictif reliant directement sa famille à Frédéric de Prusse et à Charlemagne ; il s'efforça de faire admettre ces fables aux psychiatres chargés de l'examiner lors du procès de Nuremberg.

     

     

    Toutes les cérémonies familiales étaient l'occasion de déploiements grandioses et pompeux.

     

    C'est ce même goût de l'apparat allié à celui du luxe qui le fit multiplier ses lieux de résidence et les embellir constamment : il disposait de plusieurs palais résidentiels, de deux châteaux et d'un ancien rendez-vous de chasse royal. Goering embellira ses demeures de toutes les oeuvres d'art qu'il aura pillées en Europe sur les traces des soldats allemands.

     

    A propos de ce goût pour l'art, qui était très classique, il lui arrivera de s'appeler le dernier homme de la Renaissance.

     


    Sa vantardise devient fanfaronnade.

     

    Ciano le dépeint bouffi et arrogant ; il se pavanait béatement devant les officiers italiens qui l'accueillaient.

     

    Le célèbre aviateur Milch confirme : Je n'étais pas dupe de ses accès de vantardise. J'avais déjà été confronté à sa grande vanité et à son égoïsme et je savais que quiconque le blessait dans son orgueil vivrait pour le regretter.

     

     
    Son dégoût pour le travail intellectuel ne fait que s'accroître. Goering déteste les papiers et ne lit plus les rapports qu'il signe. Il ne comble pas ses lacunes en matière d'aéronautique.

     

    Il essaie de dissimuler son ignorance et ne tente jamais d'y remédier. Il manque totalement de professionnalisme dans les divers secteurs que Hitler lui confie.

    Il ne prépare pas ses discours mais se contente de slogans démagogiques.

     

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    Sa tendance à la mégalomanie s'accroît considérablement.

     

    Quand il se lève, son valet met le disque de la marche des héros du Crépuscule des dieux ; Goering était un fervent lecteur des aventures de Gengis Khan car il avait conçu une véritable passion pour tout ce qui concernait ce conquérant sanguinaire.

     

    Sa bibliothèque privée contenait tous les ouvrages publiés sur cet homme de guerre asiatique.

     


    Certains caractères nouveaux apparaissent avec l'intoxication par la morphine. Le jeune officier svelte et fringant est devenu obèse, atteignant le poids de 127 kilos en 1938. Il est devenu sujet à des crises de dépression et à des brusques changements d'humeur. Il a des accès de rage imprévisibles et il fait quelques allusions à des possibilités de suicide.

     

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    On sait qu'à Nuremberg il se suicidera, sans doute par volonté d'affirmer son rang parmi les autres accusés jusque dans la mort, mais aussi peut-être par peur d'affronter le supplice, c'est-à-dire la mort par pendaison.

     

    The gold-plated pistol Nazi Hermann Goering handed over to the allies when he surrendered at the end of the Second World War has been revealed in public for the first time 


    Goering fait preuve d'un infantilisme invraisemblable : il était un dangereux chauffard qui s'obstinait à rouler à gauche en klaxonnant sans trêve pour signaler son approche.

     


    Dans sa villa préférée, il s'est fait installer pour lui tout seul un train électrique et il avait imaginé une escadrille de petits bombardiers qui lâchaient leurs bombes sur les trains.

     


    Lors d'une contrariété, il prend l'habitude de se calmer en manipulant des pierres précieuses.

     

    Ciano raconte dans son journal :

     

    « Comme il manifestait pendant le voyage une certaine nervosité, son aide de camp lui apporta un petit vase plein de diamants. Il les mit sur la table et commença à les compter, les aligner, puis à les mélanger de nouveau ; cela lui permit de retrouver sa bonne humeur. »

     

    Son goût pour les médailles et les uniformes fut à l'origine d'une plaisanterie : on disait que le paladin de Hitler avait commandé une série de médailles en caoutchouc de façon qu'il puisse les porter dans sa baignoire.

     

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    Un Néron moderne


    En conclusion de cette analyse détaillée de la personnalité de Goering, il faut citer le célèbre portrait que l'ancien ministre Schacht avait fait de lui et qui fut lu par le juge Jackson au tribunal de Nuremberg :

     

    « J'ai décrit Hitler comme un personnage amoral, mais je ne puis considérer Goering que comme un être immoral et criminel.

    Doué d'une certaine bonhomie naturelle qu'il sut utiliser pour se rendre populaire, c'était l'individu le plus égocentrique que l'on pouvait imaginer.

    Le pouvoir politique n'était pour lui qu'un moyen de s'enrichir personnellement et d'avoir une vie personnelle agréable.

    Le succès des autres le remplissait d'envie.

    Sa cupidité ne connaissait point de limites.

    Sa prédilection pour les pierres précieuses, l'or, les bijoux, était inimaginable. Il ignorait la camaraderie.

    Ce n'était que dans la mesure où quelqu'un lui était utile qu'il le traitait en ami, mais cela restait superficiel.

     

     


    Son comportement était si théâtral qu'on ne pouvait le comparer qu'à Néron. Une personne qui prit le thé avec sa seconde femme rapporta qu'il était apparu vêtu d'une sorte de toge romaine avec des sandales ornées de joyaux, les doigts couverts d'innombrables bagues et ruisselant de pierreries de la tête aux pieds.

     

    Son visage était maquillé et il avait du rouge à lèvres ".

     

     


    Un portrait accablant, on le voit, comparant Goering à Néron et permettant de souligner la personnalité monstrueuse du paladin de Hitler.


    Lorsqu'on reprend les récits des différents psychiatres suédois et américains qui ont analysé le caractère de Goering, on note une grande forfanterie qui pouvait passer pour de la bravoure car Goering aimait à défier les événements :

    mais c'est surtout le désir de paraître, de faire de l'effet qui perçait à travers tous ces récits, les traits hystériques sont des éléments importants dans le portrait de Goering.

     

    En bref, les observations concordent pour mettre en évidence une personnalité immature, ce qui permet, selon les psychiatres, de soutenir la notion d'une personnalité psychopathique prémorbide chez Goering.

     

     

    http://www.histoire-en-questions.fr/curiosites/goering.html

     


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    Sur près de 1 200 km, la ligne de démarcation traversait treize départements :

    Ain, Jura, Saône-et-Loire, Allier, Cher, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire, Vienne, Charente, Dordogne, Gironde, Landes et Basses-Pyrénées7,8 (nommées Pyrénées-Atlantiques, depuis 1969).

    Le Gouvernement français ne connut le tracé précis de la ligne que seulement à la fin de 1941 ; en effet, l'occupant en modifiait régulièrement le tracé à l'échelon local. !!!

     

     

     

    PETIT RAPPEL ! FRANCE ? pays des DROITS de l'HOMME ??

    Pancarte sur le poste de contrôle :

    « „Avis aux Juifs“ il est défendu aux juifs de franchir la ligne de démarcation pour se rendre dans la zone occupée de la France […] !!

     

     

     

     

    Les départements traversés par la ligne de démarcation 

     

     

    ATTENTE !

    Au début de l'occupation, les bureaux allemands avaient été submergés par un torrent de certificats médicaux, le plus souvent de complaisance. Toutes les Françaises avaient besoin de cures thermales, à Châtelguyon, à Royat, au Mont-Dore, à Cauterets.

    Toutes ces malades jugeaient la présence de leur fille indispensable et le médecin garantissait qu'une infirmière leur était nécessaire.

    Mensonges vite éventés. Au bas de presque chaque demande médicale, les Allemands se contentent de mettre cette formule qui ne laisse aucun espoir :


    « Je vous prie d'aviser le demandeur qu'un laissez-passer ne peul lui étre délivré... nicht ausgeslelli werden kaon. » !!
    (KAON ? con oui ! )

    Il faut donc aller plus loin dans le malheur ou dans le mensonge et se procurer ces télégrammes qui emporteront la décision allemande : maladie grave d'un conjoint ou de parents, inhumation, accouchement aux suites délicates, naissances prématurées, tout cela vrai ou faux (souvent faux), mais certifié conforme par la mairie du lieu d'expédition.
     
     
     
    Laissez-passer pour la ligne de demarcation

    A Paris, il est nécessaire ensuite de se lever matin pour prendre le premier métro : celui des pêcheurs à la ligne. Mais ce n'est pas assez.

    Arrive-t-on rue du Colisée, où sont installés les services allemands, c'est pour se trouver en concurrence, dès 5 h 40 (le couvre-feu prend fin à 5 heures du matin), avec trois cents personnes installées là sur des pliants avec tricots, livres et mines de circonstance.

    - Trois cents personnes bien décidées à exhiber frénétiquement leurs malades et leurs morts, à se frayer passage à coups de moribonds et de cadavres jusqu'à ces bureaux où des officiers ennuyés et polis examinent la qualité des péritonites et soupèsent la valeur des crises cardiaques.

    Les trois cents deviennent cinq cents. Mais les Allemands n'accordent leur attention qu'à cinquante cas par matinée. Il faut revenir. Si l'on habite le quartier, ou si l'on se résigne à passer la nuit dans quelque couloir, on a chance d'obtenir satisfaction... sans être assuré d'arriver à temps pour l'enterrement.

    A Tournus, où se trouve le bureau des laissez-passer urgents, c'est un rassemblement pitoyable de gens douloureux, émus, inquiets mais prêts à se battre pour atteindre plus vite la zone libre, qui commence quelques centaines de mètres plus loin.
    Pour les personnages officiels : préfets, ministres de Vichy,
     
     
     
     
     
    l'ausweis n'est pas un droit : tout juste une "grâce" accordée à qui le mérite. !!

    Nommé ministre de l'Éducation nationale, Carcopino songe à rejoindre son poste à Vichy. !!

    Les Allemands lui font attendre dix-sept jours l'autorisation nécessaire. Xavier Vallat est-il, avec l'accord allemand, promu commissaire aux questions juives, on lui refuse ce laissez-passer permanent que l'amiral Darlan reste longtemps le seul ministre à posséder.
     
     
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    Le tracé de la ligne de demarcation

    Dans le même wagon de Rethondes où Foch avait reçu au mois de novembre 1918 la capitulation allemande, Hitler avait, entre autres exigences, imposé le 22 juin 1940 à la France vaincue une frontière artificielle qui séparait notre territoire en deux zones dont l'une serait soumise à l'administration d'un gouverneur militaire choisi dans la Wehrmacht, l'autre dépendant, au moins théoriquement, de l'autorité du maréchal Pétain. !!

    Partant du village d'Arnéguy, à la frontière franco-espagnole, la Demarkationslinie passait légèrement à l'est de Saint-Jean-Pied-de-Port,

    puis par Orthez, Mont-de-Marsan et Langon avant de s'infléchir à l'est de Libourne, Angoulême et Poitiers; elle traversait le Cher à Bléré, près de Tours, et allait de Vierzon à Moulins en laissant Bourges et Nevers en zone occupée, franchissait ensuite la Loire, remontait vers le Jura, s'incurvait en-dessous de Dole et se prolongeait jusqu'à la frontière

    suisse qu'elle rencontrait au-dessous de Gex.

     

    Point de contrôle allemand sur le pont Régemortes

    De fait, la Ligne ne fut établie dans son tracé réel qu'après discussion sur place entre les autorités d'occupation et les préfectures françaises intéressées.

    Donnant du poing sur la table quand il s'agissait de transformer en réalité concrète sa définition abstraite, l'Allemand avait presque toujours l'avantage, ne s'embarrassant pas d'arguties s'il s'agissait de faciliter la surveillance de ses patrouilles ou tout simplement de satisfaire son bon plaisir en même temps que ses aises :

     

    c'est ainsi qu'à Montrichard, où le Cher constituait une frontière non discutable, l'occupant s'avisa qu'une petite plage existait sur la rive gauche en aval du pont, ce qui l'incita à faire passer de l'autre côté de la rivière son poste de contrôle, qu'il poussa en zone libre jusqu'à l'intersection des routes qui mènent à Loches et à Saint-Aignan, affirmant d'autre part ses droits par la pose de barbelés propres à décourager les Français que la baignade aurait tentés.

    passage de la ligne de demarcation

     

    Pétain à l'hôtel du Parc, Vichy. © A. D. Allier

    De fait, la Ligne ne fut établie dans son tracé réel qu'après discussion sur place entre les autorités d'occupation et les préfectures françaises intéressées.

    Donnant du poing sur la table quand il s'agissait de transformer en réalité concrète sa définition abstraite, l'Allemand avait presque toujours l'avantage, ne s'embarrassant pas d'arguties s'il s'agissait de faciliter la surveillance de ses patrouilles ou tout simplement de satisfaire son bon plaisir en même temps que ses aises :

    c'est ainsi qu'à Montrichard, où le Cher constituait une frontière non discutable, l'occupant s'avisa qu'une petite plage existait sur la rive gauche en aval du pont, ce qui l'incita à faire passer de l'autre côté de la rivière son poste de contrôle, qu'il poussa en zone libre jusqu'à l'intersection des routes qui mènent à Loches et à Saint-Aignan, affirmant d'autre part ses droits par la pose de barbelés propres à décourager les Français que la baignade aurait tentés.

     

    LIGNE de DEMARCATION...passeur de courrier.

    J'étais devenu une vraie boîte postale pour ceux qui avaient à faire passer en fraude des lettres de zone occupée en zone libre et vice-versa.

    je roulais à vélo­moteur et en manches de chemise, car il faisait chaud. Faute de poches de veston pour mettre les lettres, je les avais glissées dans mon slip, que voulez-vous?

    Arrivé au pont, je continue de pédaler en zigzaguant entre les chicanes, mais j'en cogne une au passage et me voilà par terre en même temps que je sens se casser l'élastique de mon slip.

    Mon brave Feldwebel était parti je ne sais où, peut-être bien pour la Russie, et se trouvait remplacé par un douanier que, allongé sur le dos comme j'étais, je vois lever les bras au ciel et éclater de rire, jusqu'au moment où son expression a changé: ne pouvant demeurer indéfiniment par terre, je m'étais levé en espérant que les lettres ne bougeraient pas, mais elles tombaient une à une de mon pantalon.

    Là, le douanier s'est fâché: il a dégainé son pistolet et me l'a braqué sous le nez. J'ai dû ramasser les lettres, qu'il a comptées: j'en avais quarante-quatre.

    Après ça, ordre m'a été donné de me déshabiller complètement, mon pantalon et mes chaussettes ont été retournés, puis j'ai été emmené au château de Gandillac sous bonne garde, où l'interprète a épluché les lettres une par une: heureusement, il ne s'agissait que d'affaires de famille, et je m'en suis tiré sans casse avec la recommandation de ne pas recommencer: j'ai seulement pris plus de précautions.
     
     
     
     
    LIGNE de DEMARCATION - Les PASSEURS

    Vierzon est la seule ville de France à être coupée en deux par la ligne de démarcation : le poste-frontière est rue André-Henaut.

    La Gestapo s'installe dans la villa Turquet, boulevard de la Liberté... et la Kommandantur placarde des affiches :
    « Lorsque l'on joue l'hymne allemand, les civils de sexe masculin doivent se découvrir »( Et Ta Soeur ? )

    La gare, noeud ferroviaire crucial sur la « ligne », est strictement contrôlée par la police et la gendarmerie françaises, la Gestapo, la police des frontières et les douaniers allemands.

    L'activité des passeurs est cependant intense, grâce aux faux convois funèbres organisés entre le cimetière (en zone libre) et l'église (en zone occupée) et les travaux de reconstruction du pont sur le Cher.
     
     
     

     

    LIGNE de DEMARCATION - Les PASSEURS - Les RISQUES
    Parmi EUX ! des RELIGIEUSES des VRAIES religieuses CATHOLIQUES !

    Si dans le cours de ma vie clandestine, la pression de l'ennemi se faisait trop vive, je pouvais tenter de me mettre au vert, comme on disait, en changeant d'air ou en réduisant pendant quelque temps mon activité.

    Mais les passeurs auxquels nous avions recours habitaient le plus souvent tout près de la Ligne, y ayant leur ferme, leur atelier, leur bureau, et aussi leur foyer qu'ils ne pouvaient quitter sans l'exposer à l'impitoyable vindicte des Allemands.

    Ce fut le cas de Paul Kern, dont j'ai parlé plus haut : prévenu que la Gestapo était passée chez lui en son absence et qu'elle reviendrait le lendemain, il se dit que si l'on ne le trouvait pas dans sa maison, sa femme et ses enfants seraient déportés à sa place.

    Il y revint donc, fut arrêté, soumis aux méthodes d'interrogation qu'on connaît, puis emprisonné et déporté.

    A s'entendre dire qu'il s'était comporté en héros, il se serait senti gêné, tout comme l'admirable jeune femme qui s'appelait Lucienne Ucelli et qui, non loin de là, avait remplacé dans ses passages son mari frappé par la maladie.

    Déportée à Ravensbrück, elle fut gênée quand elle revint d'Allemagne de se retrouver dans son hameau seule survivante entre les passeurs qui avaient eu comme elle à payer le prix de leur dévouement, fait tout autant de charité que de patriotisme.
     

     

    LIGNE de DEMARCATION - les VOLEURS et les BRAVES !

    Bien entendu n'ont pas droit au beau titre de passeurs les misérables qui s'appliquèrent à tirer profit des angoisses du temps en monnayant très cher leurs services, se transformant souvent en escrocs ou en voleurs, et devenant parfois même assassins pour s'emparer d'une mallette qu'ils savaient contenir de l'argent ou des bijoux.

    Ces gens-là demeurent indignes même s'il leur advenait de remplir l'office pour lequel ils se faisaient grassement payer.

    Combien de passeurs, tout au contraire, glissaient un billet de banque dans la poche du prisonnier de guerre évadé d'un Stalag d'Allemagne pour lui permettre de prendre le train une fois qu'il aurait franchi clandestinement la Ligne !

     

     

    Combien ( j'en ai connu pour ma part, auxquels je voue une infinie reconnaissance ) se dépouillaient des quelques provisions péniblement amassées pour faire honneur à leur hôte d'un soir dont la présence leur faisait pourtant courir un risque de mort !.

     

    La LIGNE de DEMARCATION - Monsieur LAPOTERIE
    MONT de MARSAN

    Lorsque les bonnes gens de Mont-de-Marsan parlent
    de Raoul Laporterie, ils ne manquent jamais d'ajouter qu'il reçoit un courrier de ministre.

    Un courrier sans proportion aucune avec l'activité de son magasin de confection.

    Un courrier d'un tel volume qu'il a dû mobiliser sa belle-mère, sa femme et sa fille, chargées d'ouvrir les lettres, de trier, parfois de répondre à sa place.

    Lettres en provenance de Lille, de Paris, de Bordeaux, de Saintes, de Pantin, de Reims, de Marseille, de partout.

    Que vend Laporterie pour que l'on glisse son nom de ville en ville, d'ami en ami, comme celui d'un guérisseur fameux ou d'un inépuisable fournisseur de denrées rationnées ? Il ne vend aucun remède miracle. Il « fait passer ». Lettres et gens.

    « Monsieur, lui écrit Mlle Alsberghe, qui habite Tourcoing, j'ai eu cet après-midi votre adresse par une amie el j'ose croire que vous m'excuserez de prendre la liberté de vous demander un service qui n'est pas sans danger pour vous.

    Si vous croyez pouvoir faire parvenir cette lettre, vous me rendriez très heureuse, car mon fiancé est sans nouvelles
    depuis un mois... »

    Des parents cherchent leurs enfants, des enfants leurs parents et des fournisseurs leurs clients.

    Des grand-mères demandent des détails sur la naissance de leur petite-fille. Des femmes sur la blessure de leur mari : Monsieur, excusez-moi de vous solliciter encore une fois... »

    « Monsieur, excusez-moi si je prends la liberté de vous écrire; c'est parce que je n'ai plus de nouvelles de ma femme et de mes enfants...

    Raoul Laporterie fait un paquet des trois ou quatre cents lettres que le facteur vient de lui apporter. Il les glisse sous les coussins de sa Juvaquatre et s'éloigne en direction de la ligne de démarcation. La voiture 2 134 HU 2 est familière aux Autrichiens du poste. Laporterie est un bon vivant, bavard et aimable. Un soir, ne leur a-t-il pas donné des huîtres ?

    Ce jour-là, Raoul Laporterie avait glissé sous son siège le drapeau du 52e bataillon de mitrailleurs indochinois - oublié - à Arcachon, dans les combles de l'hôtel de France occupé par un état-major allemand.

    la ligne de demarcation

    Il passe régulièrement deux fois par jour. Parfois quatre. Jamais seul. Mais toujours avec des papiers corrects. Ses compagnons présentent, eux aussi, d'insoupçonnables ausweis. Ce sont, en apparence, d'honorables frontaliers, des habitants de Bascons, cultivateurs, retraités, petits propriétaires, qui profitent de l'auto du maire.

    Le poste de contrôle est situé à la sortie de Mont-de-Marsan, sur la route d'Aire-sur-l'Adour, dans un creux de terrain.

    Laporterie coupe le moteur et prépare son Ausweis (Laissez-passer pour la traversée des petites frontières).

    Surtout, ayez l'air naturel, souffle-t-il à ses passagers.
    Il a avec lui une jeune femme qui rejoint son fiancé, un prisonnier évadé qui veut gagner la zone libre d'où il partira peut-être pour l'Espagne, une femme et son mari, qui, avec leur bébé, vont passer quelques vacances près d'une parente épicière...

    Les soldats allemands font descendre tout le monde, vérifient machinalement ausweis et cartes d'identité. Ils adressent un petit sourire à ce bon M. Laporterie qu'ils reverront tout à l'heure. C'est fini. La Juvaquatre prend son élan pour grimper la côte. Les passagers de la voiture s'ébrouent joyeusement.

    Eh bien, dit l'évadé, votre truc a marché comme sur des roulettes.
    Bah ! j'ai l'habitude, fait Laporterie. Et puis, les ausweis sont bons.
    C'est vrai, ça.

    Et les cartes d'identité sont bonnes aussi.

    L'évadé éclate de rire.
    Oui, mais elles ne sont pas vieilles. Laporterie les a terminées quelques heures plus tôt. Et, dans son magasin de Mont-de-Marsan, il a obligé tous ses passagers à se dépouiller de leurs papiers d'identité.

    Je vous les renverrai après-demain.

    Avez-vous apporté une photo ?
    Il dévisage ses hôtes, se penche sur un jeu de cartes d'identité.
    Voyons, 30 ans, 1 m 70, cheveux châtains, ça devrait faire l'affaire, vous vous appellerez... n'oubliez pas...

    A chacun, il donne un nom. Le nom d'un mort.

    Maire de Bascons, petite commune de zone libre, située à quelques kilomètres de Mont-de-Marsan, Laporterie a obtenu un laissez-passer pour se rendre quotidiennement à son magasin de Mont-de‑Marsan, en zone occupée.

    Cette facilité lui permet de faire passer les lettres d'une zone à l'autre. Ce n'est pas assez. Il a imaginé de ressusciter une vingtaine de ses administrés pour lesquels les Allemands lui ont, sans y voir de malice, délivré des ausweis, et pour lesquels il a établi des cartes d'identité presque complètes. Seule la photo manque encore.

    Qu'un volontaire pour le passage se présente, Laporterie tient à sa disposition ausweis et carte d'identité véritables. Il suffit de coller une photo pour que tout soit en ordre. Une photo, c'est la seule chose qu'il réclame instamment de ses correspondants.

    Pas d'argent. Il n'acceptera jamais d'argent.

    Juifs, prisonniers évadés, amoureux, commerçants, fonctionnaires se communiquent l'adresse de Mont-de-Marsan.

    Il en est à son deux millième passager et ne compte plus les lettres postées, les mandats et les colis envoyés, lorsque la Gestapo s'inquiète de sa débordante activité.

    A partir de l'automne 1941 Laporterie répond, avec une mélancolie de demi-solde, aux lettres qui arrivent toujours :

    « Les circonstances actuelles m'interdisent formellement de vous rendre le service que vous me demandez, mais je reste cependant à votre disposition pour vous fournir tous les renseignements utiles.

    L'affaire dont vous me parlez peut se faire par l'intermédiaire d'un ami... »

     

    LIGNE de DEMARCATION - Monsieur LAPOTERIE

    Lorsque les bonnes gens de Mont-de-Marsan parlent de Raoul Laporterie, ils ne manquent jamais d'ajouter qu'il reçoit un courrier de ministre. Un courrier sans proportion aucune avec l'activité de son magasin de confection.

    Un courrier d'un tel volume qu'il a dû mobiliser sa belle-mère, sa femme et sa fille, chargées d'ouvrir les lettres, de trier, parfois de répondre à sa place.

    Lettres en provenance de Lille, de Paris, de Bordeaux, de Saintes, de Pantin, de Reims, de Marseille, de partout. Que vend Laporterie pour que l'on glisse son nom de ville en ville, d'ami en ami, comme celui d'un guérisseur fameux ou d'un inépuisable fournisseur de denrées rationnées ? Il ne vend aucun remède miracle.

    Il « fait passer ». Lettres et gens.

    « Monsieur, lui écrit Mlle Alsberghe, qui habite Tourcoing, j'ai eu cet après-midi votre adresse par une amie el j'ose croire que vous m'excuserez de prendre la liberté de vous demander un service qui n'est pas sans danger pour vous.

    Si vous croyez pouvoir faire parvenir cette lettre, vous me rendriez très heureuse, car mon fiancé est sans nouvelles
    depuis un mois... »
    Des parents cherchent leurs enfants, des enfants leurs parents et des fournisseurs leurs clients.

    Des grand-mères demandent des détails sur la naissance de leur petite-fille. Des femmes sur la blessure de leur mari : Monsieur, excusez-moi de vous solliciter encore une fois... »

    « Monsieur, excusez-moi si je prends la liberté de vous écrire; c'est parce que je n'ai plus de nouvelles de ma femme et de mes enfants...

    Raoul Laporterie fait un paquet des trois ou quatre cents lettres que le facteur vient de lui apporter. Il les glisse sous les coussins de sa Juvaquatre et s'éloigne en direction de la ligne de démarcation.

    La voiture 2 134 HU 2 est familière aux Autrichiens du poste. Laporterie est un bon vivant, bavard et aimable. Un soir, ne leur a-t-il pas donné des huîtres ?

    Ce jour-là, Raoul Laporterie avait glissé sous son siège le drapeau du 52e bataillon de mitrailleurs indochinois - oublié - à Arcachon, dans les combles de l'hôtel de France occupé par un état-major allemand. !!

     

     

    De fait, la Ligne ne fut établie dans son tracé réel qu'après discussion sur place entre les autorités d'occupation et les préfectures françaises intéressées.
    ( photo VIERZON )

    Donnant du poing sur la table quand il s'agissait de transformer en réalité concrète sa définition abstraite, l'Allemand avait presque toujours l'avantage, ne s'embarrassant pas d'arguties s'il s'agissait de faciliter la surveillance de ses patrouilles ou tout simplement de satisfaire son bon plaisir en même temps que ses aises : c'est ainsi qu'à Montrichard, où le Cher constituait une frontière non discutable,

    l'occupant s'avisa qu'une petite plage existait sur la rive gauche en aval du pont, ce qui l'incita à faire passer de l'autre côté de la rivière son poste de contrôle, qu'il poussa en zone libre jusqu'à l'intersection des routes qui mènent à Loches et à Saint-Aignan, affirmant d'autre part ses droits par la pose de barbelés propres à décourager les Français que la baignade aurait tentés.
     
     
     
     
    es Ausweis (ou laissez-passer pour la circulation frontalière) étaient assez facilement obtenus si l'on résidait dans une zone située à dix kilomètres de part et d'autre de la ligne de démarcation.

    Délivrés par la plus proche Kommandantur, ils permettaient à leurs titulaires, pour un temps limité, de se rendre sur toute l'étendue du département traversé par la Ligne.

    Leurs détenteurs étaient fort recherchés par quiconque désirait correspondre d'un côté à l'autre de cette frontière sévèrement gardée autrement que par le moyen d'une carte inter­zones, seule agréée par l'occupant et dont le moins qu'on puisse cire est que son cadre ne se prêtait guère aux effusions.

    Aux possesseurs de ces ausweis frontaliers étaient confiées des lettres qu'ils savaient camoufler par des moyens souvent très ingénieux, ou encore des enfants en bas âge que leurs parents ne voulaient pas exposer aux risques d'un passage clandestin.
     
    Ils se faisaient aussi porteurs de courriers de la Résistance.
     
     
    D.R. 
     
    WIKIPEDIA 

     https://fr.wikipedia.org/wiki/Ligne_de_d%C3%A9marcation

     

     

     


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  •  

     

     
     
    Je suis drôlement émue, en faisant du rangement chez nous,
    dans les livres, les revues qui étaient rangés dans une alcôve..
    depuis des années... ( affaires de mon Grand Père, de mon Père )
     
    j'ai découvert un carnet de mon Père...
    de la guerre lorsqu'il était, prisonnier en Allemagne... dès 1940...
     
    il a écrit un POEME...
    le 22 janvier 1941 Stalag VI
    Tous droits réservés.
     
     
     
    °°°°°°°°°°°°°°°°° 
     
    "  Les VENDUS de 40 " 
     
    A L'appel de la nation,
    Nous avons répondu « Présent !
    « 
    Quittant foyers de Maisons
    Le COEUR TRISTE, mais CONFIANT
     
    Les Fleurs venaient à peine d'éclore
    QUAND LA tourmante survint !
    Touchant partout, JEUNES et FORTS
    Par la FAUTE de VILS COQUINS !
     
    AVEC L'ARDEUR de notre RACE !
    Nous avons fait face au DANGER
    Car plus d'un en porte les traces !
    Qui ne nous a pas épargnés
     
    Lorsqu'un beau matin sur un Ordre
    Il a fallu se replier ! «  POURQUOI ?? »
     
    MYSTERE ! Ce fût un véritable désordre
    la DEFAITE ? NON !.. le DESARROI !
     
    Combattants de 14, comprends-tu nôtre Misère ?
     
    L'ARMISTICE SIGNEE !!!.. TOUS PRISONNIERS !
     
    La FRANCE au TRAVAIL ! Sur la terre étrangère !
    Vous nous avez vendus pour des DENIERS !
     
    Et vous ? Les AMBITIEUX ? AVIDES de POUVOIR !
    Les responsables de l'Horrible tourmente !
     
    Faut-il vous rafraichir la Mémoire ?
     
    QU'AVEZ-VOUS FAIT des « VENDUS de 40  » !!!
     
    O, mes AMIS ! Les FRERES ! Mes COPAINS !
     
    Vous qui dormez dans vos TOMBES ci-git !
    En ATTENDANT le TOUR de ces FAQUINS !
     
    Nous, nous morfondons dans le STALAG VI !
     
     
    Le 22 janvier 1941 – Dortmund
    A.G. Prisonnier Français
     
    Libéré avec ses copains
    le 5 Avril 1945
     
     
     
     
     

     


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  •  Les entreprises face aux secrets du passé


     

    A la fin du mois de septembre, la famille Quandt, richissime propriétaire de BMW, a publié les travaux d'un historien indépendant, Joachim Scholtyseck, qui écornait sérieusement l'image du fondateur de cet empire industriel.

    Günther Quandt, affirmait-il, a exploité, parfois jusqu'à la mort, plus de 50 000 travailleurs forcés pour fabriquer des armes destinées au régime nazi.

    La volonté des entreprises de mener une politique de transparence sur les années sombres de l'Occupation ne va pas de soi.

     

    Cet exemple sera-t-il suivi ?

     

    Une autre marque allemande, de prêt-à-porter, Hugo Boss, a fait appel à un historien qui vient de préciser le rôle de Hugo Ferdinand Boss considéré

    comme "le couturier préféré d'Hitler", selon la rumeur.

     

    L'étude confirme qu'il a adhéré à la politique des nazis, sans être pour autant l'unique fournisseur d'uniformes du régime. L'entreprise a exprimé sur son site ses "profonds regrets" envers ceux qui ont souffert dans l'usine dirigée par Hugo Ferdinand Boss, sous le régime nazi.

    En France, cette démarche n'est pas courante.

     

    L'entreprise face à son histoire pendant l'Occupation a longtemps été un sujet tabou.

     

    D'autant que personne, pas même l'Etat, ne peut obliger les sociétés privées à rendre accessibles leurs archives.

     

    Seuls quelques documents, comme les procès-verbaux des conseils d'administration ou les statuts des entreprises doivent être conservés.

     

    Les dossiers de carrière des salariés, par exemple, sont détruits quatre-vingt-dix ans après la naissance des intéressés.

     

    Le passé trouble de Coco Chanel dans les années 1940 vient de resurgir avec la publication, fin août, d'une nouvelle biographie de la créatrice, signée par le journaliste américain Hal Vaughan,Sleeping With the Ennemy

     

    ("Au lit avec l'ennemi", Editions Alfred Knopf, 280 pages, 27,95 dollars, non traduit).

     

    La direction de Chanel esquive la difficulté en assurant que "la maison de couture a fermé en septembre 1939.

    Il n'existe donc pas d'archives sur cette période". L'entreprise a repris son activité après la guerre.

     

    Le magazine Géo Histoire (Prisma) s'est, lui, autocensuré en renonçant à publier, dans son numéro de septembre-octobre, un article sur le passé collaborationniste de certains dirigeants de Louis Vuitton.

     

     

    Par crainte de représailles d'un très gros annonceur publicitaire ?

     

    Pourtant, par le passé, une journaliste, Stéphanie Bonvicini, avait eu accès aux archives de la maison.

     

    Son ouvrage, Louis Vuitton, une saga française (Fayard, 2004), révélait que la maison de luxe avait été la seule à pouvoir rester dans l'Hôtel du parc, à Vichy, siège du gouvernement de Philippe Pétain en 1940.

     

    L'auteure affirmait qu'Henry Vuitton, décoré par les nazis en remerciement de sa loyauté, avait fondé, avec son frère Gaston, le dirigeant du groupe, une usine pour fabriquer des bustes du maréchal.

     

     

    La direction de Vuitton (LVMH) assure que ses archives sont ouvertes - sans occulter aucune période - aux travaux des historiens et des chercheurs. Un porte-parole précise qu'une partie de la famille Vuitton, oubliée dans cet ouvrage, était du côté de la Résistance.

     

    Comme Jean Ogliastro, un gendre de Gaston Vuitton, qui a combattu sous le nom de Servien dans le réseau de Jean Cavaillès, avant d'être déporté à Buchenwald, puis à Bergen Belsen, jusqu'à la libération du camp.

    Les historiens se sont battus pour forcer la porte des sociétés.

     

    Patrick Fridenson, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), souligne que les premiers travaux sur l'histoire des entreprises, à la fin des années 1960, ont été réalisés avec des archives allemandes, anglaises et américaines.

     

    L'historien britannique Alan Milward, auteur de The New Order and the French Economy ("Le nouvel ordre et l'économie française", Oxford University Press, 1970, non traduit), a publié sur ces questions bien avant les Français.

     

    "Les entreprises hexagonales n'avaient aucune envie qu'on parle de l'Occupation, même si elles s'étaient bien conduites, et l'Etat français fermait à qui mieux mieux ses archives", explique Patrick Fridenson.

     

    En 1966, la direction de Renault lui refusait d'enquêter au-delà d'avril 1936.

     

    "Le Front populaire, les grèves et les occupations d'usines étaient considérés comme une période trop sensible", se souvient-il.

     

    C'est parce que Pierre Dreyfus, PDG de Renault en 1972, a voulu lever le voile sur le rôle de l'entreprise pendant la seconde guerre mondiale qu'il a pu consulter tout le fonds d'archives, enrichi quatre ans plus tard par les documents familiaux, légués par la veuve de Louis Renault.

     

    Mais c'est finalement dans des archives allemandes stockées à Moscou, qu'il a retrouvé les minutes des entrevues entre Louis Renault et Adolf Hitler.

     

    "Aujourd'hui, nous disposons de trois fois plus d'archives qu'en 1972 mais plus le temps passe, moins il existe de témoins du passé", déplore-t-il.

     

    Le rôle des associations juives a été fondamental, tout comme la volonté de l'Etat de faciliter, en 2002, l'accès aux archives publiques sur la seconde guerre mondiale.

     

    Un groupe de recherche (GDR) du CNRS sur les entreprises sous l'Occupation, le seul du genre, a permis, de 2002 à 2009, la publication de quatorze ouvrages.

     

    Une façon de rattraper le retard important pris par rapport aux Allemands et aux Suisses. Et de dénicher quelques histoires.

     

    Pierre-Antoine Dessaux, doctorant en histoire, a découvert que le patron du fabricant de pâtes alimentaires Panzani se jouait du fisc sous l'Occupation en établissant trois comptabilités différentes : une, fort décevante, à destination des Allemands ; une autre, tout aussi navrante, à l'attention des banques ; et une troisième, fort enviable, destinée aux actionnaires familiaux...

    Hervé Joly, chargé de recherche au CNRS qui a piloté ce groupe de recherche, s'est parfois heurté au désintérêt des entreprises pour leur histoire. Un constat plus flagrant encore si, au fil du temps, elles ont été rachetées, ont fusionné ou ont changé de nom.

     

     

     

     

    La conservation de ces masses de documents coûte cher. Les archives sont parfois externalisées, stockées dans des zones industrielles, sans accès à la consultation.

     

    A chaque déménagement, des tonnes de documents sont vouées à la benne. Personne, dans les entreprises, n'était chargé de ces questions.

     

    Dominique Barjot, professeur d'histoire économique à La Sorbonne (Paris-IV), note un obstacle récent, "l'hyper-développement des services de communication, qui cherchent à façonner l'image des entreprises et n'admettent pas que des historiens fassent leur travail".

     

    L'accès aux informations est souvent plus simple au sein des entreprises qui ont rompu avec les familles fondatrices ou sont devenues publiques, comme Saint-Gobain ou Pechiney.

     

    A chaque entreprise, son histoire et sa façon d'y faire face.

     

    Chez Rhodia, une équipe de salariés motivés a pris l'initiative de classer les archives historiques.

     

    Chez Peugeot, la direction a mené un travail exemplaire de transparence.

     

    Aujourd'hui, les Archives de France, département du ministère de la culture, ne recensent toutefois que 28 fonds historiques d'entreprises (dont Air France, Allianz, ArcelorMittal, la Banque de France, BNP Paribas, EDF, France Télécom, Lafarge, La Poste, la RATP, Saint-Gobain, Sanofi-Aventis, la Société générale, la SNCF ou Total).

     

    Selon Dominique Barjot, "les entreprises ont du mal à ouvrir leurs archives quand elles étaient divisées sous l'Occupation".

     

    Dans le secteur du bâtiment, il a eu, pour ces raisons, "carte blanche de Vinci" mais plus de mal avec une filiale de Spie, Drouard .

     

    Le comportement des individus - et leurs affaires avec les occupants - choque toujours aujourd'hui, alors que "la collaboration de la part des entreprises est mieux admise qu'il y a vingt ans. Au prétexte qu'elles étaient forcées d'obtempérer", dit-il.

     

    Dans les groupes de chimie, aluminium, caoutchouc ou de charbonnages, les contrats de livraison aux Allemands ont pu être retrouvés dans les archives publiques, témoigne Michel Margairaz, professeur à Paris-VIII-Vincennes. Il a aussi travaillé sur plus de 120 entreprises spoliées pendant la guerre grâce aux archives du Commissariat aux questions juives.

    Le cas de L'Oréal est instructif.

     

    Les écrits antisémites d'une rare violence, signés par Eugène Schueller, son fondateur, sont connus de longue date, comme son soutien à la Cagoule, l'organisation d'extrême droite d'Eugène Deloncle.

     

    Seul l'historien Jacques Marseille a décortiqué les archives du géant des cosmétiques, pour son ouvrage sur le centenaire du groupe, paru en 2009 (L'Oréal 1909-2009, Perrin).

     

    Mais les archives des banques, celles de l'ancien département de la Seine ou de la Bibliothèque nationale de France (BNF) l'ont davantage éclairé sur ces sujets sensibles, que celles de L'Oréal.

     

    Le passé est parfois long à resurgir.

     

    Il a fallu attendre 1992 pour qu'un colloque sur la SNCF mette à mal l'image de grande résistante forgée par l'entreprise publique.

     

    Depuis, elle a été accusée d'avoir convoyé, dans 74 trains, 76 000 juifs, français ou étrangers vers des camps d'extermination.

     

    Fin 2010, un accord de partenariat a été signé avec le Mémorial de la Shoah pour développer des recherches historiques.

     

    Candidate à l'exploitation de futures lignes TVG en Californie et en Floride, la SNCF avait été mise en cause par les élus de ces Etats américains pour n'avoir jamais présenté ses excuses ni payé de réparations aux déportés et à leurs familles.

     

     

    Contrairement aux sociétés d'assurance, les banques ont ouvert leurs archives sous l'impulsion de Jean Mattéoli, gaulliste de gauche et ancien déporté qui avait engagé, en 2000, un travail de fond sur leur rôle pendant l'Occupation.

     

    Roger Nougaret, archiviste de formation passé du

    Crédit agricole à BNP Paribas, assure que

    "l'Occupation est une période assez bien connue dans les banques".

     

    Depuis 1951, des historiens étudient les spoliations des biens des juifs par les 106 établissements bancaires recensés en France pendant la guerre.

    Pourtant, les portes entrebâillées sont promptes à se refermer. Certaines entreprises affirment redouter des tentatives d'espionnage industriel et hésitent à ouvrir leurs archives à des étudiants étrangers, notamment chinois, souligne Dominique Barjot.

     

    L'exemple suisse est encore plus éloquent : une commission indépendante d'experts (CIE) a eu carte blanche - et obtenu la levée du secret bancaire - pour étudier, entre 1996 et 2001, les relations entre les entreprises suisses et l'économie allemande pendant la guerre.

     

    Pendant cet âge d'or, 25 études ont pu être réalisées.

     

    Mais la CIE a été dissoute fin 2001 et cette initiative n'est plus qu'un souvenir dans un pays toujours jaloux de ses secrets.

     

    Nicole Vulser


    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/11/07/les-entreprises-face-aux-secrets-du-passe_1599955_3234.html#xok0eHLbzYEdPbAY.99


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  • LOUIS VUITTON, UN SILENCE ORDINAIRE

     

    Louis Vuitton, c'est une histoire ordinaire.  Faite de lâcheté, de travail acharné, de sacrifices, de silence, de mépris, de haine. Haine entre un fils et son père, haine entre les Vuitton et Bernard Arnault qui prit le contrôle de l'entreprise en 1989 "en y entrant avec l'air d'un premier communiant", comme le dira avec amertume Henri Racamier (alors propriétaire de LVMH).

    Je croyais tout savoir de Vuitton jusqu'à la lecture de "Louis Vuitton, une saga française".  L'auteur, Stéphanie Bonvicini, est journaliste. Elle a rassemblé une somme incroyable de témoignages, compulsé les archives de la Maison, fouillé dans  les bibliothèques municipales et les registres des mairies, remontant le fil de la famille Vuitton depuis 1821 jusqu'à son rachat par Bernard Arnault. En 1989, celui-ci en fit la pierre angulaire du géant LVMH que l'on connaît tous.


    Louis Vuitton
     

    Ce livre raconte d'abord Louis Vuitton. L'exposition De Louis Vuitton à Marc Jacobs présentée aux Arts Décoratifs mettait en avant les évolutions de la toile et les innovations du fondateur mais pas du tout sa personnalité. Ici l'auteur parle de l'homme, de ses enfants, de la façon dont une famille ordinaire s'est inscrite dans l'histoire de son pays jusqu'à en devenir un symbole.

    Qui est Louis Vuitton ? Un travailleur acharné, parti de rien. Arrivé à Paris à l'âge de 16 ans, après avoir parcouru des centaines de kilomètres à pied, Louis Vuitton se place comme apprenti chez Monsieur Maréchal, layetier-emballeur. Au XIX° siècle, ces artisans confectionnent des caisses en bois blanc sur mesure, dans lesquelles les élégantes emmènent leur garde-robe, voire leur maison! Manteaux, brosses, chapeaux, robes à tournures, carafe de parfum, chaque objet a son écrin pour voyager de Paris à Deauville, de Lyon à Moscou. Soigneux, discret, Vuitton devient l'emballeur favori de l'impératrice Eugénie.

     


    En 1854, encouragé par sa femme Emilie, il monte sa propre maison. Auréolé du prestigieux titre "d'emballeur impérial", Louis Vuitton a la confiance d'une clientèle choisie. Son idée de génie est de passer de la caisse à la malle et de transformer un objet laid et jetable (une caisse de bois) en objet durable, pratique et élégant. Jamais il n'a sacrifié la technique ou l'esthétique. Il voulait allier les deux.
    Sa formation de menuisier lui a permis de trouver des bois plus légers, des structures plus résistantes aux intempéries et aux chocs. 

    La plus grande partie de l'ouvrage remet en perspective avec l'époque les perfectionnements apportés par Louis Vuitton aux malles et bagages : de 1850 à 1900, la vision du fondateur est inspirée par l'énergie économique du Second Empire, l'avènement du tourisme, le changement des modes de consommation (l'arrivée des grands magasins) et les nouveaux moyens de locomotion : automobiles, transatlantiques, trains express. Chaque modèle est adapté à un besoin émergeant : les dessus plats permettent d'entasser les malles, les sacs souples de transporter le linge sale ou les affaires de nuit, etc.


    L'auteur relie aussi le destin de Louis Vuitton à celui de Worth et Goyard. Louis Vuitton seul n'aurait pas été grand chose. C'est grâce au soutien de Worth et à l'émulation avec d'autres concurrents qu'il a pu se démarquer en innovant constamment. Dès qu'un autre maletier proposait un nouveau modèle, Vuitton renchérissait. On peut dire qu'il a placé la Recherche et le Développement au coeur de l'entreprise.

    Malheureusement, Louis Vuitton pense toute sa vie vers un but qui devient presque obsessionnel : assoir sa suprématie ou plus exactement, celle de son nom, puisque lorsqu'il vend (sic!) son entreprise à son fils, il exige que celui-ci garde comme nom commercial "Louis Vuitton". Pas Vuitton, ni Vuitton et Fils, mais Louis Vuitton.

    Et là, l'histoire devient triste. Obnubilé par son objectif, Louis Vuitton n'a vu ses enfants qu'à travers l'entreprise.

     

    Son fils Georges mènera toute sa vie une guerre larvée pour exister, lui aussi, et partager sa vision personnelle.

     

    Les générations suivantes conserveront cette ambition du nom au-dessus de tout. L'omniprésence du logo chez Vuitton n'est pas dicté que par le marketing : il découle aussi de cette propension à vouloir exister.

     

    Ils ont le souci extrême de satisfaire leurs clients mais pas par empathie : par fierté, pour qu'on ne disent pas qu'ils ont manqué.

    C'est ce terrible manque d'amour qui m'est resté dans la bouche quand j'ai refermé le livre. L'écriture de Stéphanie n'y est pour rien : à aucun moment, elle ne prend parti et on la sent plutôt admirative de cette saga industrielle. Même lorsqu'elle évoque le Vuitton des années noires, elle reste extrêmement neutre.

    Et nous voilà face au vilain petit secret de la maison.

     

    J'ai toujours été intriguée par le silence sur les années 1935 à 1945 chez Vuitton :

     

    jamais la Maison ne parle des années 40 ni ne présente

    aucun modèle de cette époque.

     

    Etonnant trou noir, pour une entreprise qui vante son indéfectible innovation.

     

    Elle aurait donc stagné pendant 10 ans ?

    Au contraire, elle s'est diversifiée.

     

    S'installant à Vichy, les Vuitton travaillent pour Pétain.

     

    Toujours accrochés à leur nom, ils sont prêts à tout pour garder le haut du pavé pendant la Guerre.

     

    Ils y parviennent si bien que Henry Vuitton est décoré de la francisque en 1942.  

    L'histoire pourrait s'arrêter là car les entreprises ayant collaboré de près ou de loin avec le régime de Vichy et / ou les Nazis ne se comptent plus, mais peu d'entre elles mettent autant d'énergie à le cacher.

     


    En 2011, Médiapart et Arrêt sur Image dévoilent que LVMH a fait pression via la régie publicitaire du groupe Prisma sur les journalistes de ... Géo Histoire pour censurer un dossier de 5 pages  consacré à la collaboration économique.

     

    Extrait :

    "Lorsque Philippe Pétain installe son gouvernement dans les murs de l'hôtel du parc, à Vichy, toutes les enseignes de luxe qui, comme les joailliers Van Cleef & Arpels, y tiennent boutique, en sont chassées.
    Toutes, sauf une : le bagagiste Vuitton.
    La maison, fondée en 1854 par Louis Vuitton et mise à la mode par l'impératrice Eugénie (l'épouse de Napoléon III), est, en 1940, dirigée son petit-fils Gaston. Ce dernier demande à son frère aîné Henry d'afficher de façon claire sa fidélité au nouveau régime afin d'assurer la pérennité de la marque. La maison Vuitton va ainsi fabriquer, dans des ateliers expressément constitués à cette fin, des objets à la gloire du maréchal Pétain et notamment 2500 bustes officiels. Henry Vuitton entretient par ailleurs de fortes amitiés avec les officiers de la Gestapo. Il est même l'un des rares industriels à être décoré par les nazis, en remerciement de sa loyauté. Une cérémonie durant laquelle les officiers de la SS et de la Wehrmacht arborent des uniformes dessinés par un tailleur de Metzingen, un certain Hugo Boss, et confectionnés par des déportés et des travailleurs du STO".

    OK. Ca fait un peu désordre.

     


    Dans une interview à The Guardian, Stéphanie Bonicini explique qu'elle a d'abord reçu la pleine coopération de la firme quand elle leur a présenté le projet de son livre, LVMH lui proposant même de la soutenir pour une diffusion en anglais et en japonais. 

     

    Mais lorsqu'elle approche des activités durant la guerre, le ton change ; on lui dit que les documents de la société pour les années 1930 à 1945 ont été détruits dans un incendie.

     


    Louis Vuitton a établi une véritable chape de plomb sur son histoire. 

     

    Publié par Fayard en 2004,Louis Vuitton une saga française a subi en France un boycott total de la presse (excepté le Canard Enchaîné).

     

    L'auto-censure est telle que Michel Zaoui, alors porte-parole du CRIF, n'apprend l'existence de l'ouvrage que par la presse étrangère.

     

    Avec un peu d'amertume, il dit que ce qui le choque le plus, ce ne sont pas les faits rapportés mais le silence des médias hexagonaux. Et conclut, désabusé : "que voulez-vous, c'est la presse française".

     


    Bien qu'il soit certainement l'un des plus exhaustifs sur l'histoire de Vuitton (et sans doute à cause de cette exhaustivité), le livre de Stéphanie a également été censuré en 2010 de la librairie du Musée Carnavalet lors de l'exposition "Voyage en Capitale", organisée entièrement par Vuitton, ne présentant que des objets Vuitton... La chose a fait grincer certaines dents, l'utilisation d'un musée public à des fins de communication gênant un peu les puristes.

     


    Comme le précisent avec beaucoup de bon sens Stéphanie et Michel Zaoui, le passé de Vuitton n'a plus aucun rapport avec la maison actuelle. Personne ne pense à organiser un boycott et le craindre, c'est faire peu de cas de l'intelligence des clients ; c'est même douter du pouvoir d'attraction de ses produits. Personne ne boycotte Chanel, Hugo Boss, Renault ou Wolkswagen. L'attitude de LVMH manque cruellement d'élégance. Si Louis Vuitton a des choses à se reprocher, il serait plus sain d'assumer son passé et de s'en excuser en créant, par exemple, une fondation pour les victimes du nazisme.

    Bizarrement, cette histoire n'est pas remontée à la surface lors du scandale Galliano mais elle explique peut-être certaines choses. Les journalistes s'étaient alors fait un plaisir de racler les fonds de tiroirs pour ressortir tous les collabos de service : de la nièce de Christian Dior (aucun rapport avec la choucroute, Christian Dior n'étant pas sa nièce) à Hugo Boss en passant par Coco Chanel (dont la Maison Chanel ne nie pas l'antisémitisme viscéral, puisque les propriétaires en ont été les premières victimes). Mais de Gaston et Henry Vuitton, collaborateur actifs et décorés, nenni.Ou comment on gratte le fond des tiroirs pour éviter d'ouvrir les placards...

    Sources :
    Censure dans la presse - Arrêt sur Image
    The Guardian
    Scandale Vuitton au musée Carnavalet Louvre pour Tous

    Louis Vuitton, une saga française - de Stéphanie Bonvicini. 364 pages, 22,30 € - 


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