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    LA BANQUE DE FRANCE

    PENDANT LA GUERRE 1939-1945

     

    par Monsieur Pierre NEGRIER

    Directeur Honoraire de la Banque de France

     

    La scène se passe dans le bureau du Gouverneur de la Banque de France, situé en face de la Galerie dorée.

     

    Nous sommes en juillet 1940. Le Gouverneur, M. Fournier, qui s’était replié sur Bordeaux où avait été transféré le siège social de la Banque, vient de rentrer à Paris et de se réinstaller devant sa table de travail sous le célèbre tableau de Fragonard "La fête à Saint~Cloud".

     

    Et voici la scène qui s’est déroulée le lendemain de son retour, précisément dans ce bureau

    (On frappe)

     
     

    " Entrez.

    Monsieur le Gouverneur, Herr Doktor Schaefer et les membres du Commissariat allemand voudraient avoir un entretien avec vous.

    Faites entrer je vous prie.

    Heil Hitler ! Monsieur le Gouverneur je vous informe que j’ai été désigné par notre führer Adolphe Hitler pour diriger le Commissariat du haut commandement militaire allemand auprès de la Banque de France. Et maintenant que vous êtes revenu à Paris, je suis venu vous saluer et vous présenter mes collaborateurs Herr Doktor Von Jost, Directeur de la Reichbank, Herr Doktor Von Bottcher, Directeur Adjoint.

     

    Monsieur, je ne reconnais pas la qualité qui vous est attribuée de Commissaire de la Banque de France et je proteste contre votre présence dans cette maison ; cependant, puisque vous m’avez fait la courtoisie de solliciter une entrevue, je ne me refuse pas à m’entretenir avec vous des problèmes certainement graves que l’état de choses actuel et ses développements prochains soulèvent pour l’économie, les finances et la monnaie françaises. "

     

    Cette reconstitution phonique à partir des véritables paroles prononcées par les protagonistes partagera ma conférence en deux parties, que j’intitulerai :

    la première partie :  le nerf de la guerre pendant la guerre des nerfs

    la seconde partie :  les casques appointés.

    Vous voudrez bien me pardonner ces mauvais jeux de mots que n’aurait pas reniés un ancien et éphémère employé de la Banque ; j’ai nommé l’acteur Noël-Noël qui oubliera plus tard de tourner "Adémai Banquier".

     

    I - LE NERF DE LA GUERRE PENDANT LA GUERRE DES NERFS

     

     

    On a pu écrire que la guerre de 1939 a commencé cinq ans plus tôt. Les caricatures d’Hitler dont je recouvrais les marges de mes livres de classe de 3ème en 1934 confirment le bien fondé de cette assertion.

     

    Il est de fait que, dès cette époque, les nerfs de la population française commençaient à être ébranlés par les événements qui se passaient outre-Rhin.

     

    En tout cas, c’est effectivement vers l’année 1934 que l’Allemagne commence à organiser son économie en fonction d’une revanche éventuelle. Le nouveau régime politique, soucieux au surplus de mettre fin à la crise économique et monétaire qui a ravagé l’Allemagne à l’issue de la guerre de 1914-18, a recours au crédit pour faire face aux dépenses résultant des grands travaux engagés et du réarmement national.

     

    Le système simple, mais ingénieux, qui a été mis au point consiste pour l’Etat à régler ses fournisseurs par des ‘traites de travail’, escomptables dans les banques et réescomptables auprès de la Reichbank, et, un peu plus tard, par des "bons d’impôts" c’est-à-dire par l’emprunt forcé. Ainsi le Trésor allemand parvient-il à anticiper de plusieurs mois, voire de plusieurs années sur des recettes fiscales futures.

     

    Qu’importe si tout cela ressemble à une vaste opération de "cavalerie", la morale est sauve dès l’instant où la production de pays augmente. Et elle augmente !

     

    La monnaie ? On trouvera bien le moyen d’en freiner le gonflement. Les impôts, les emprunts, l’étalement autoritaire des échéances, le blocage des prix, la réduction de la consommation seront mis à contribution. Et le système fonctionne ! Il est complété sur le plan extérieur par des mesures tendant à réduire les importations au strict minimum (ersatz) et à développer les exportations. Car il faut tout de même des devises pour acheter certaines matières premières indispensables et financer la propagande dans les pays étrangers.

     

    La réserve d’or officielle est minuscule 76 millions de marks en 1937, soit 1 200 millions de francs ou 25 tonnes d’or environ, alors qu’en France l’encaisse métallique, au moment de l’armistice, s’élèvera à 1.777 tonnes, soit 85 milliards de francs auxquels s’ajouteront les 270 tonnes pour 13 milliards du Fonds de Stabilisation des Changes. A titre indicatif, précisons qu’en 1992, la réserve métallique s’élève à 3.055 tonnes soit 177 milliards de francs sur la base d’un prix au kilogramme de 57.950 F déterminé tous les six mois en fonction du prix moyen du fixing de Londres.

     

    L’Allemagne a donc bâti tout cet effort de guerre sur une base "or" absolument ridicule.

     

    Mais que se passe-t-il en France pendant que l’Allemagne "mobilise" son économie au service d’une politique extérieure visant à détruire l’ordre européen existant ?

     

    Eh bien, en France, on est surtout préoccupé par des problèmes de politique intérieure

     

    Certes il y a de temps à autre des réactions. Par exemple lors de la réoccupation de la Rhénanie, M. Albert Sarraut proclamera "nous ne laisserons pas Strasbourg sous le feu des canons allemands" mais il est bien connu que les hommes politiques font souvent le contraire de ce qu’ils promettent ! Et de fait il ne se passera rien d’autant qu’on prépare les prochaines élections législatives, celles de 1936, qui seront gagnées par le Front populaire.

     

    La nouvelle majorité, dans la foulée de son succès, veut procéder à de nombreuses réformes, dont certaines sont valables certes, mais dont beaucoup sont prématurées (exemple les 40 heures) eu égard à l’environnement économique de l’époque. Parmi ces réformes on note celle qui donne à tout actionnaire de la Banque de France le droit d’assister à l’assemblée générale annuelle. Le privilège dont jouissaient les 200 plus forts actionnaires (les fameuses 200 familles) est abrogé.

     

    On ne va pas jusqu’à nationaliser la Banque de France malgré la demande de la C.G.T. On se borne à remplacer le Conseil de régence, émanation des intérêts privés, par un Conseil général représentatif des intérêts collectifs. Par ailleurs, on cherche à faire de la Banque de France la banque des banques et un observatoire économique. La réforme est une amorce de l’évolution que Connaîtront après la guerre les activités de l’institut d’Emission. Rien en tout cas n’est inspiré par la crainte d’un conflit. La Rhénanie est oubliée malgré les avertissements répétés de nos ambassadeurs.

     

    En 1937, on se pose bien la question de savoir s’il faut se préoccuper d’organiser le contrôle des changes. Mais il n’est pas certain que ce soit la crainte d’un conflit qui motive ce projet. C’est bien plutôt l’hémorragie d’or. En effet nous avons perdu en quelques mois plus de 1.000 tonnes sur les 4.278 qui étaient dans les caves de la Banque au début de 1936. Dans la précipitation, en effet, le Front populaire a ébranlé la monnaie ; le spectre de la dévaluation apparaît. Pourtant le gouvernement de Léon Blum affirme "les affiches blanches de la dévaluation ne couvriront pas nos murs". Encore un pari stupide !

     

    Cette affaire du contrôle des changes fait l’objet d’une polémique stérile dans la presse et finalement rien n’est entrepris.

     

    Ainsi se trouve justifié ce jugement de l’écrivain allemand Frédéric Sieburg dans son livre "Dieu est-il français ?" : "le français constate de temps en temps qu’il s’est mis en retard. Il prend alors son élan pour rattraper le temps perdu mais il bavarde en route avec des amis de rencontre et finalement se plaint que les autres aillent trop vite".

     

    Il faudra en effet attendre les événements de Munich pour que la France prenne conscience de ce qui se trame au-delà du Rhin.

     

    Septembre 1938 un vieil anglais très digne, M. Neville Chamberlain, qui prend l’avion pour la première fois, arrive à Munich nanti de son inséparable parapluie dont il espère sans doute se servir comme paratonnerre. Il est bientôt rejoint par un français voûté surnommé le "taureau du Vaucluse" Edouard Daladier. Comme pour narguer ces deux colombes de la paix qui s’avéreront plus tard n être que des pigeons, les troupes allemandes défilent au pas de l’oie devant elles.

     

    Le 30 septembre les célèbres accords sont signés. L’allégresse est à son comble en France, et même en Allemagne.

     

    Au moins, Daladier n’est-il pas dupe puisque devant les acclamations de la foule venue l’attendre au Bourget, il murmure à l’oreille de ses collaborateurs les plus proches "Les pauvres gens !" et, croyez-moi, j’atténue ses véritables propos.

     

    L’alerte a été chaude. Les autorités responsables commencent à réfléchir aux conséquences monétaires et économiques d’une nouvelle guerre qui promet d’être longue. L’état d’esprit est tout à fait différent de celui qui prévalait en 1914. En 1914 on estimait que la guerre serait vite terminée. Au demeurant, le niveau du stock d’or, estimait un économiste distingué, exigeait qu’on en finisse rapidement.

     

    Bref, après Munich :

     

    la Banque de France est chargée d’organiser le contrôle des changes. Elle se met aussitôt à la tâche, mais celle-ci ne sera pas complètement achevée à la déclaration de la guerre

     

    on décide qu’en cas de guerre, il n’y aura pas de moratoire. En 1914, cette mesure avait provoqué la panique et des retraits massifs dans les banques.

     

    on éparpille l’encaisse or dans différentes succursales distantes des côtes de 200 km en moyenne

     

    dès le 29 septembre 1938, une Convention est passée entre la Banque de France et l’Etat en cas de mobilisation, la Banque avancera 25 milliards au Trésor

     

    - enfin, à la Banque, toutes les succursales reçoivent deux plis l’un à ouvrir en cas dé déclaration de guerre, l’autre en cas d’invasion.

     

    On est en pleins préparatifs lorsque brutalement et presque sans avertir l’Allemagne envahit la Tchécoslovaquie.

     

    Prises à froid, la France et l’Angleterre ne réagissent pas. Dans les cabarets montmartrois, les chansonniers évoquent avec ironie les auto-mitrailleuses allemandes en panne sur les routes. Aussi, encouragé, Hitler, qui procède habilement par petits pas (la Rhénanie, l’Anschluss), vat-il s’attaquer bientôt à la Pologne.

     

    Le 2 septembre 1939, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne et, avec un décalage de quelques heures, elle est imitée par la France.

     

    Les premiers mois des hostilités sont relativement calmes et les autorités monétaires mettent ce répit à profit pour parfaire la mise en place du dispositif prévu. La Banque de France est chargée d’appliquer le contrôle des changes.

     

    Les finances de la France se sont d’ailleurs améliorées depuis Munich. La grève générale a échoué. La confiance est revenue. L’encaisse or, avec 2.180 tonnes est de plus du double de celle de 1914 (il est vrai qu’en 1914 il y avait plus d’or chez les particuliers). La trésorerie de l’Etat est à l’aise on vivra sur la première avance de la Banque jusqu’au 29 février 1940.

    Le 29 février 1940 :

     

    - l’encaisse or est réévaluée, la plus-value est affectée au remboursement des avances faites à l’Etat

    - le Fonds de Stabilisation des Changes est autorisé à investir en bons du Trésor ses avoirs en francs. Ainsi, et jusqu’en 1949, chaque fois que le Fonds de Stabilisation des Changes s’appauvrit en devises (et récupère des francs), il souscrit des bons du Trésor et le Trésor s’enrichit

    - la Banque consent au Trésor une nouvelle avance de 20 milliards.

     

    Les jours passent et c’est le 10 mai 1940.

     

    Inutile de revenir sur les événements militaires qui se sont produits dans les semaines qui ont suivi cette date. Je me bornerai à vous donner à travers quelques anecdotes, tantôt tragiques, tantôt comiques, concernant la Banque de France, une idée des préoccupations qui animèrent notre administration pendant cette période.

     

     

    Ces occupations sont de deux ordres :

     

     
     

    1) sauver l’encaisse or

    2) évacuer au fur et à mesure de l’avance des troupes allemandes les services ou succursales menacées.

     

    L’encaisse or d’abord

     
     

    Dès le début de l’offensive allemande, la Banque transfère l’or vers Brest où il sera stocké dans la chambre des torpilles sous 20 mètres de rocher, puis sur le Verdon et sur Toulon.

     

    Le danger devenant de plus en plus grand, on décide alors d’évacuer l’or outre-mer. Entre le 20 mai et le 25 juin 1940, plusieurs convois vont partir dans des directions différentes : le Canada, l’Amérique, la Martinique et l’Afrique, Casablanca d’abord, puis Dakar et enfin Kayes au Sénégal. Kayes était à 500 km des côtes et on pensait que l’or serait mieux à l’abri qu’à Dakar, et en effet, l’attaque qu’a subi cette ville quelque temps après l’a confirmé.

     

    Le 20 mai 1940, le Béarn part de Toulon et subit une alerte aux sous-marins au large du Cap Saint-Vincent (Portugal). Le 21 mai, les croiseurs Emile Bertin et Jeanne d’Arc partent de Brest et rejoignent le Béarn aux Açores. Le 1er juin l’escadre accoste à Halifax sur un môle voisin de celui où débarque la Reine Juliana de Hollande. La cargaison est transportée à la Federal Reserve Bank de New York. Le 2 juin le paquebot Pasteur part de Brest pour Halifax où il arrive six jours après. Le chargement est dirigé sur la Royal Bank of Canada à Ottawa. Le 9 juin le paquebot Ville d’Oran quitte le Verdon pour Casablanca où il arrivera le 12 juin.

     

    Comme nous n’avions pas tout à fait assez de bateaux, nous avions demandé aux américains d’évacuer une partie de notre or (212 tonnes), mais les américains n étaient pas en guerre et n’avaient pas le droit de transporter de l’or pour le compte d’un pays belligérant. Aussi nous leur avons vendu de l’or à Brest, et l’avons racheté à l’arrivée à la Federal Reserve Bank.

     

    Le 12 juin, l’Emile Bertin revenu à Brest embarque un autre chargement à destination de Fort de France, à la Martinique. Le 18 juin à Brest, 17 heures seulement avant l’arrivée des allemands, on charge, dans des conditions très difficiles en raison des alertes continuelles, toute une flotte, composée des paquebots : El Djezair, El Kantara, El Mansour, Ville d’Oran, Ville d’Alger. On emploie toute la main-d’oeuvre disponible y compris les "joyeux" (condamnés de droit commun). Imaginez les sueurs froides de notre Caissier général lorsqu’il fut mis au courant

     

    Comme on n’a pas assez de moyens de transport, on réquisitionne treize camions anglais qui allaient être détruits. Finalement la flotte s’éloignera de Brest alors qu’explosent les réservoirs de mazout. Ce convoi à destination de Casablanca ira finalement jusqu’à Dakar d’où le chargement, qui comprend notamment l’or belge et l’or polonais, sera acheminé sur Kayes (petite ville à l’ouest de l’actuel Mali). Le dernier convoi part du Verdon dans la nuit du 22 au 23 juin. Le chargement du Primauguet a lieu dans des conditions très périlleuses. Le navire, attaqué par les allemands, a dû prendre le large et c’est de nuit que le remorqueur la Geneviève l’accoste par une forte houle pour lui livrer la précieuse cargaison.

     

    M. Moreton qui fut à deux reprises mon prédécesseur, une fois à Boulogne-sur-Mer, et une fois à Grenoble, est chargé de convoyer ce chargement pour le compte de la Banque. C’est sa deuxième mission, puisqu’il est déjà allé une fois à Casablanca. Permettez-moi au passage de rendre hommage à cet agent qui manifestera à cette occasion un très grand courage.

     

    C’est d’ailleurs lui qui nous rapporte cette anecdote. Le Primauguet était au large du Portugal quand parviendra l’annonce de l’armistice par un message de l’amirauté ainsi rédigé "l’armistice est signé mais vous pouvez vous attendre à subir, d’un moment à l’autre, une attaque de la flotte anglaise. Si vous avez des officiers anglais à bord, débarquez-les dans le premier port français".

     

    Finalement le Primauguet parviendra le 25 juin 1940 à Casablanca avec les derniers lingots.

    Et maintenant l’évacuation des succursales et de la Banque Centrale

     

     
     

    Cent quarante six succursales ou bureaux auxiliaires seront évacués dans les conditions que vous devinez. Il faut trouver des transports, se faufiler parmi les files de réfugiés, échapper aux bombardements. Certains comptoirs devront changer deux fois de lieu de repli. Un certain nombre de nos collègues Ont d’ailleurs péri pendant ces opérations de repli.

     

    Parmi les anecdotes nombreuses sur cette évacuation, je ne vous citerai que les plus comiques

     

    la succursale de Poitiers qui avait dû rejoindre Bordeaux avait entassé ses sacs de billets sur le plateau d’un camion qui n’était même pas bâché. En arrivant à Bordeaux le convoyeur s’aperçut avec horreur qu’il manquait un sac. Catastrophe ! Il errait dans le hall de la succursale de Bordeaux quand un Monsieur très distingué vint lui frapper sur l’épaule et lui dit : "ne vous en faites pas, mon ami, votre sac est retrouvé". C’était le Gouverneur de la Banque en personne qui avait ainsi rassuré notre camarade. En fait le sac était passé par dessus bord en franchissant un cassis et heureusement un officier qui passait par là (il y avait quelques boussoles orientées au pôle sud à cette époque-là) l’avait ramassé et très honnêtement l’avait rapporté à la succursale

    la succursale de Vannes avait dû être évacuée, elle aussi, mais par mer et sur Bayonne. On avait donc chargé sur un bateau une partie des archives et la réserve des billets. Au large de la Bretagne, le bateau tomba en panne. Un chalutier boulonnais qui péchait dans les parages le prit en remorque et le conduisit jusqu’à Bayonne. Arrivé là, le capitaine qui apparemment connaissait bien le code maritime fit valoir ses droits sur la cargaison. Alors on a expliqué au patron du chalutier que les billets convoités faisaient partie de ‘la réserve du Gouverneur" (c’est-à-dire des billets mis dans les succursales en cas de conflit ou de coupure entre notre imprimerie de Chamalières et les succursales, autrement dit, des billets qui n’étaient pas régulièrement émis puisque appartenant à des séries que le Conseil général de la Banque n’avait pas encore désignées comme devant être mises en circulation). Aussi le patron du chalutier boulonnais, convaincu que ces billets n’avaient que la valeur du papier et qu’ils ne pouvaient même pas servir pour envelopper ses poissons, n’insista pas.

     

     

    La succursale de Reims est évacuée en partie sur Quimper, en partie sur Vannes.

     

     

    La succursale de Grenoble pour qui l’on avait construit en 1926 de très vastes locaux en vue d’y accueillir d’autres comptoirs en cas de nouveau conflit, devra elle-même se replier sur la petite succursale de Mende, dans la Lozère.

     

    Quant aux services parisiens, ils avaient déjà été partiellement installés en province, soit à Chamalières, dans les locaux de l’imprimerie des billets, soit à Poitiers, siège de la conservation des titres. Les Directeurs Généraux des grandes banques et certains de leurs collaborateurs viennent, sur ordre, rejoindre le Ministère des Finances et la Banque de France à Châtelguyon où un succédané de marché monétaire se tient chaque jour au Grand Hôtel. (Jean RIVOIRE " Chronique des Banques françaises " in Revue Banque décembre 1992)

     

    L’avance allemande obligera la Banque à précipiter le mouvement. La fraction des services centraux maintenue à Paris sera placée sous la direction du Contrôleur général, M. de Bletterie, de façon à former la succursale Paris. Le siège social de la Banque sera transféré successivement à Saumur (le 9 juin), à Bordeaux (le 15 juin) puis à Clermont-Ferrand où il subsistera durant toute la guerre.

     

    Dès la signature de l’armistice, la Banque prendra ses dispositions pour que les services ou comptoirs retrouvent leurs activités dans les moindres délais.

    Le 2 juillet, les premiers éléments des services centraux regagnent Paris.

    Le 3 juillet, tous les comptoirs repliés reçoivent l’ordre de revenir à leur hase.

    Fin juillet, 118 comptoirs (sur les 146 évacués) étaient réinstallés.

    Il fallait faire vite car les allemands, qui avaient tout prévu y compris de se passer des billets français, émettaient de la monnaie dite "obsidionale" au cours de 20 F le mark (contre 16 F, le cours officiel en 1939 et probablement moins si l’on tient compte du niveau des prix en Allemagne). (Peut-on retrouver des billets de cette monnaie obsidionale ?)

     

    La bataille de France était terminée, l’occupation commençait.

     

     

    Il - LES CASQUESAPPOINTES "

     

    Pour la Banque Centrale, l’occupation débute par un incident à la fois cocasse et significatif de l’esprit méthodique avec lequel les allemands ont préparé la guerre.

     

    Le premier "Feldgrau" à pénétrer dans notre immeuble parisien n’est autre qu’un autrichien qui, comme par hasard, a effectué quelques mois auparavant un stage dans nos services. Connaissant bien les aires, il ne tardera pas à retrouver un des ses anciens collègues avec lequel il s’isolera dans les toilettes pour y pleurer à chaudes larmes. Ce soldat trop sentimental sera, inutile de vous le dire, rapidement appelé à d’autres fonctions par ses maîtres.

     

    Pendant toute la guerre, la Banque n’aura, je dois vous le dire, pas à se plaindre des occupants qui ne s’immiscèrent pratiquement pas dans la gestion interne de l’Institut d’Emission.

     

    A Paris, Schaeffer, que vous avez entendu tout à l’heure et ses adjoints, se montrèrent très discrets. Ils ne tenaient visiblement pas à avoir d’histoires, surtout après 1941 quand le risque d’être transféré sur le front russe constituait 1’épée de Damoclès pour tous les soldats "planqués" en France.

     

    En province, à part la succursale de Strasbourg, qui sera purement et simplement mise à la porte de ses locaux (notre représentant restera néanmoins en Alsace pendant toute l’occupation), les autres comptoirs n’eurent pas, du moins à ma connaissance, de difficultés avec les nouveaux clients. Je dis "nouveaux clients" car le compte des Reichkreditkassen était tenu sur les livres de la Banque de France.

     

    Parvenue rapidement donc à un "modus vivendi" acceptable avec l’occupant, la Banque n’en fut pas moins mêlée étroitement aux tractations financières avec l’Allemagne puisque son Gouverneur, M. Bréart de Boisanger qui avait succédé au mois d’août 1940 à M. Fournier, siégeait à la Commission d’armistice.

     

    Ce sont de ces tractations financières dont je vais vous parler maintenant.

     

    Elles eurent une importance considérable car, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, la convention d’armistice ne comportait comme clause financière que l’article 18 "les frais d’entretien des troupes allemandes sur le territoire français sont à la charge du gouvernement français".

     

    De peur de se ligoter, sans doute, les allemands n’avaient rien précisé de plus, comptant sur les négociations pour obtenir le maximum.

     

    Ces tractations furent menées du côté français par des "techniciens" auxquels on peut assimiler les deux ministres des finances qui se sont succédé car la décision finale, prise au niveau le plus élevé, leur échappait.

     

    Permettez-moi de vous les présenter rapidement :

     

    M Bouthillier : qui sera ministre des Finances jusqu’au 18 avril 1942, appartient au corps de l’Inspection des Finances et a déjà fait partie de plusieurs cabinets ministériels. C’est un homme sérieux, travailleur qui connaît bien ses dossiers. On le qualifierait aujourd’hui de technocrate.

     

    Il a parfois des réactions un peu naïves, au moins apparemment. C’est ainsi que pendant les négociations sur l’indemnité d’occupation il imagine en désespoir de cause d’écrire à son collègue allemand Schwerin Von Krosigk. Dans sa lettre, qui restera sans réponse, il attire l’attention de ce dernier sur le risque monétaire que fait courir à la France une indemnité disproportionnée avec les possibilités économiques. Et il rappelle, à son cher collègue "les difficultés de l’Allemagne après la guerre de 1914-18 dues précisément à des réparations trop élevées".

     

    M Cathala : I1 doit son poste à l’amitié qui le lie à Pierre Laval dont il a été le ministre de l’Intérieur en 1931 et le ministre de l’Agriculture en 1935.

     

    Il fait donc plus figure de "politique" par rapport à son prédécesseur. Il n’empêche que la plupart des membres de son cabinet se "volatilisèrent" en 1943 pour se rendre en Algérie et parmi eux il y avait des gens qui deviendront célèbres plus tard

    M Jacques de Fouchier qu’on retrouvera après la guerre à la tête de la Compagnie Bancaire puis de la Banque de Paris et des Pays-Bas.

    - M de Clermont Tonnerre ;

    M. Douffïagues (père de l’ex-maire d’Orléans).

    _M. Cathala mourra d’un infarctus à la libération, peu de jours avant de passer devant la Haute Cour de Justice.

    M Bréart de Boîsanger inspecteur des finances.

     

    Il a succédé à M. Fournier le 31 août 1940 et restera Gouverneur jusqu’au 7 octobre 1944.

    En tant que délégué à la Commission d’armistice il fut constamment sur la brèche pendant toute la guerre.

     

    M Bolgert Directeur du Service des Etudes Economiques de la Banque de France.

     

    C’est un spécialiste des finances extérieures. Il finira d’ailleurs sa carrière en 1954 comme Directeur Général des Services Etrangers.

     

    Fils du Général Bolgert, ancien Commandant supérieur de la Place de Paris, né à Belfort, c’est un homme de l’Est. Il se révélera particulièrement coriace dans les discussions avec les allemands, notamment dans l’affaire de l’or belge.

     

    Enfin je vais vous présenter quelqu’un que vous connaissez mieux. Membre de la délégation française à Wiesbaden, puis Directeur des Finances Extérieures, c’est un homme d’aspect très britannique, supérieurement intelligent et très malicieux. Il n’y en a pas deux comme lui pour former, comme on dit, sa bouche en "cul de poule" et arrondir les yeux dans une expression d’ironie souriante à la limite d’une impertinence distinguée. Il a des dons incontestables de diplomate la discrétion, l’esprit de répartie et surtout la patience. De Gaulle dira de lui plus tard qu’invité à s’asseoir sur un glaçon, il était capable de rester dans cette position jusqu’à ce que le glaçon ait fondu.

     

    Un beau matin de 1943, il s’éclipsera lui aussi vers l’Algérie.

     

    Lorsqu’ils apprirent que ce "Monsieur très correct" leur avait faussé compagnie, les allemands furent très étonnés. Ils ignoraient il est vrai qu’il faut toujours se méfier de ce que... " Couve " de Murville.

     

    Face à ces techniciens, qui trouve-t-on ?

     

    On trouve un personnage particulièrement redoutable, du nom de Hemmen. Herr Doktor Hemmen porte d’ailleurs bien son nom qui signifie "entrave" en français.

     

    Il est représentant de l’Allemagne à la Commission d’armistice. Plus tard, tout en conservant ces fonctions, il sera placé dans le cadre de l’Ambassade d’Allemagne pour y suivre les questions financières.

     

    Son but utiliser au maximum le potentiel économique de la France pour la victoire finale du Reich.

     

    Il se conduit en vainqueur arrogant qui sait toutefois renoncer quand il le faut à son ton cassant et autoritaire pour se faire cajoleur. Il manie aussi l’ironie. Ainsi, aux négociateurs qui, un jour, osent prétendre que l’indemnité d’occupation est trop lourde, il répondra sans se démonter "que voulez-vous, messieurs, l’armée allemande a atteint un tel degré de perfection qu’elle coûte par suite fort cher".

     

    C’est enfin un infatigable comptable. On s’en apercevra à la fin de la guerre lorsque la Commission consultative des dommages et réparations constatera l’exactitude au franc près des prélèvements effectués par l’Allemagne.

     

    Si vous voulez avoir une idée du scénario de toutes ces négociations dans lesquelles les allemands entraînèrent les français pour les exploiter sans merci, je vais vous citer ce passage du livre de Malaparte intitulé "Siegfried et le saumon"

     

    "Le Général allemand qui règne sur un secteur calme de Finlande a décidé de capturer le dernier saumon que les grenades de ses hommes n’ont pas chassé du fleuve. Botté jusqu’au ventre, casqué d’acier, le pistolet à la ceinture et la ligne à la main, il entre dans l’eau et tend son appât. Sur les berges, veillent ses gardes S.S. et derrière lui, dans son sillage, se trouvent, armés, ses officiers d’ordonnance. Dans la controverse qui va s’engager, le plus fort, et de beaucoup, c’est donc lui. S’il avait voulu, il aurait, lui aussi lancé une grenade et il aurait eu le saumon. Mais il préfère discuter avec ce poisson.

     

    Celui-ci, pour son malheur, ne se dérobe pas au jeu. Il mord à la ligne qu’on lui tend, et le voilà qui fait le métier qu’il sait faire c’est-à-dire qu’il manoeuvre avec habileté, tantôt s’aidant du courant pour filer rapidement, tantôt s’arc-boutant entre deux rocs pour résister efficacement, tantôt sautant hors de l’eau, tantôt fonçant profondément. Bref, il entraîne peu à peu son partenaire loin du point de départ, là où il veut le conduire. Durant trois longues heures, la discussion continue. Elle va logiquement donner raison au saumon. Alors le Général allemand se tourne vers ses officiers d’ordonnance et leur crie "Erschiesst ihn"(tuez-le). Un coup de pistolet sur la croupe luisante qui justement émerge, et la lutte est finie, la partie est gagnée".

     

    Vous verrez par la suite que le saumon n’a pas toujours perdu....

     

    Revenons à ces fameuses tractations et voyons par quels moyens l’Allemagne comptait exploiter à fond les ressources de notre économie

    l’indemnité d’occupation

    l’accord de compensation avec l’Allemagne ou clearing franco—allemand

    la "mainmise" sur les affaires industrielles de France

    les avoirs français en or et devises des particuliers

    la question de l’or.

     

    Je n’entrerai pas dans le détail des discussions interminables dont ces cinq points feront l’objet ; j’insisterai surtout, puisque tel est mon sujet, sur celles auxquelles la Banque de France fut le plus étroitement mêlée.

     

     

    A - L’INDEMNITE D’OCCUPATION

     

    Les représentants français à la Commission d’armistice obtinrent assez facilement le retrait de la circulation de la monnaie obsidionale. Mais ils ne purent bien entendu se soustraire à l’obligation de payer des acomptes sur les frais d’entretien des troupes d’occupation. Du moins s’acharneront-ils à obtenir que l’indemnité soit la moins lourde possible. Dans une première phase (de juillet 1940 à mai 1941), l’indemnité est fixée à 400 millions par jour, payable tous les dix jours.

     

    Les arguments français pour obtenir une réduction étaient les suivants

     

     
     
     

    1) L’indemnité dépasse largement les frais d’entretien des troupes allemandes. Elles correspondait en effet à l’entretien de 18 millions d’hommes et il n’y avait que 300.000 soldats sur notre territoire

     

    2) Les allemands laissent en compte des sommes importantes au début près de la moitié de l’indemnité ! Au point qu’ils avaient manifesté l’intention de souscrire des bons du Trésor français ! Refus de la Banque de France. On caressa bien à un moment l’idée de laisser monter les prix afin de dévaluer le solde créditeur du compte allemand, mais on y renoncera finalement en raison des conséquences économiques et sociales qui en auraient résulté.

     

    Dans une deuxième phase (de mai 1941 au 1l novembre 1942 date d’occupation de la zone libre), la France va de nouveau implorer le gouvernement allemand de réduire l’indemnité d’occupation qui pèse trop lourdement sur l’économie française et oblige à recourir régulièrement à des avances de la Banque de France. Les allemands, dont la tactique quand on leur demande quelque chose est d’en profiter pour formuler de nouvelles exigences. veulent subordonner la réduction des frais d’occupation à des transferts de capitaux (or. devises, valeurs mobilières). Les négociations traînent. La France décide de sa propre autorité de réduire ses versements à 300 millions par jour.

     

    Enfin dans une troisième phase, qui va de l’occupation de la zone libre jusqu’à la libération du territoire, l’indemnité est remontée à 500 millions à titre de contribution à la défense des côtes françaises de la Méditerranée et pour le ravitaillement des troupes d’occupation. Contrairement à ce qui s’était passé dans la première phase, les allemands épuisent régulièrement leur compte. Il faut dire que la construction des défenses côtières coûtait cher.

     

     

    B - L’4CCORD DE CLEARING FR4NCO-ALLEMAND

     

    Aux termes de l’accord intervenu entre les autorité françaises et les autorités allemandes, les exportations françaises vers l’Allemagne étaient passées à notre crédit. Elles devaient théoriquement être compensées par des importations. En fait les allemands ne nous envoyaient pratiquement rien (quelques "patates" de dernière qualité). C’était le Trésor français qui réglait nos exportateurs car il était bien entendu que nous ne pouvions opérer la compensation avec l’indemnité d’occupation.

     

    Le paiement des frais d’occupation et le prétendu clearing ont été les instruments principaux du pillage de notre économie. Qu’on en juge :

     

    691 milliards au titre des frais d’occupation

     

    160 milliards au titre du clearing

     

    soit 851 milliards au total.

     

    Pour avoir une idée plus nette de ce que cette somme représenterait de nos jours, il faut recourir à une table de concordance. D’après celle-ci on peut estimer que le coût de l’occupation s’est élevé à 961 milliards de francs 1990 ce qui correspond à :

     

    - 1l % du produit intérieur brut 1990

    78 % du budget 1990 (1.233 milliards de francs).

     

    Cela dit il faut tenir compte du fait que :

     

    les budgets de 1940 à 1944 étaient beaucoup moins importants toutes proportions gardées que de nos jours car l’emprise de l’Etat sur l’économie était sensiblement moins développée. Deux budgets de l’époque correspondaient à 78 % du budget 1990....

     

    le P.I.B, si tant est qu’il ait été calculé à cette époque, était beaucoup plus restreint car l’économie tournait à bas régime faute d’hommes et de matières premières.

     

    On peut se demander dans ces conditions comment le pays a pu faire face à une telle charge

     

    C’est là que l’expérience allemande d’avant-guerre nous a servi. On s’efforça en effet de transposer en France la méthode du circuit monétaire. Par un contrôle des changes sévère que le quasi-blocus rendait plus efficace, par la compression des prix au maximum et par la réduction à la portion congrue de la consommation, on dégageait sur les revenus un solde disponible maximum que l’Etat pouvait prélever sous forme d’impôts ou sous forme d’emprunt volontaire (pas de recours à l’emprunt forcé comme en Allemagne).

     

    Mais cela ne suffisait pas car une partie des revenus échappait au circuit

     

    les dépenses de l’Etat s’accroissaient plus vite que les possibilités de prélèvement fiscal (décalage d’une année sur l’autre).

     

    les dépenses de consommation augmentaient plus vite que prévu, soit parce que les prix officiels étaient relevés, soit surtout parce que ces prix n’étaient pas respectés (marché noir). Par suite, les facultés de prêt à l’Etat s’en trouvaient diminuées. Enfin, et surtout au fur et à mesure que la guerre durait, la défiance vis-à-vis des emprunts d’Etat grandissait.

     

    Finalement le coefficient de fermeture du crédit varia entre 62 et 80 % suivant les années.

     

    Et c’est la Banque de France qui fit l’appoint des sommes nécessaires pour boucler le budget, tant et si bien qu’à la fin de la guerre les avances de l’Institut d’Emission s’élevaient à 406 milliards, soit près de la moitié des prélèvements allemands et 23 % du total des dépenses budgétaires entre 1940 et 1944 (1.749 milliards).

     

    C - LA ‘MAINMISE" DE L’ALLEMAGNE SUR LES AFFAIRES INDUSTRIELLES OU COMMERCIALES EN FRANCE ET A L’ETRANGER

     

    Nous n’insisterons pas sur ce point malgré son importance car la Banque a moins été mêlée à ce genre de tractations. Nous indiquerons seulement qu’il faisait partie du plan allemand de démantèlement de l’économie française de s’emparer ou tout du moins de contrôler un certain nombre d’entreprises françaises sises sur notre territoire ou dans d’autres territoires occupés.

     

    Les plus célèbres affaires de l’époque qui passèrent sous le contrôle allemand furent les mines de Bor qu’exploitaient en Yougoslavie et en Bulgarie, la Banska à Huni qui était une filiale de l’Union Européenne, la Norvégienne de l’azote, la société Francolor.

     

    Mais bien entendu, il n’était pas question pour les allemands de payer cher le droit de nous expulser de nos affaires. Ils se contenteront, chaque fois qu’ils le pourront, de faire le simulacre d’un dédommagement. En réalité ils régleront presque tous leurs achats avec l’argent des français.

     

     

    D - L ‘OR ET LES DEVISES DES PARTICULIERS

     

    L’Allemagne ne s’intéressait pas qu’à l’or officiel. Le Devisenschutzcommando avait, dès les premiers jours de l’occupation, ordonné la déclaration des avoirs en or, en devises et en titres détenus par les banques et les particuliers et interdit de disposer de toutes ces valeurs jusqu’à nouvel ordre. Les coffres-forts des clients des banques étaient fermés et ne pouvaient être ouverts qu’en présence d’un représentant du service allemand précité.

     

    Puis les occupants offrirent d’acheter de l’or et les billets de banques étrangères à des cours supérieurs aux cours officiels. Cela ne leur coûtait pas cher puisqu’ils payaient avec les francs provenant de l’indemnité d’occupation.

     

    Vers la fin de la guerre, ils menacèrent de confisquer or et devises mais devant le refus formel du gouvernement français, ils n’insistèrent pas.

     

     

    E - LA QUESTION DE L’OR

     

    C’est surtout à propos de l’or que la Banque de France eut à jouer un rôle important.

     

    1) L’or français

     

     
     
     

    Dès le 21 août 1940, Hemmen avait fait l’apologie du système monétaire allemand qui fonctionnait sans or. N’empêche que dès le 31 août suivant, il fait part aux délégués français à Wiesbaden de l’inquiétude que lui causait pour nous la présence de notre or à proximité de la Gambie britannique. Avec beaucoup d’hypocrisie, il nous propose même de nous aider à ramener notre or dans la métropole ou tout au moins en Afrique du Nord. M. Bréart de Boisanger le rassure en lui indiquant que nous avions pris des mesures de précaution et que l’or n’était déjà plus à Dakar mais à Kayes à l’intérieur des terres. Quant à M. Couve de Murville, il fait remarquer, non sans ironie, que, disposant des crédits américains, les anglais n’avaient plus besoin de notre or.

     

    L’échec de l’attaque sur Dakar permit à M. Bréart de Boisanger de prouver à Hemmen que le stock d’or ne risquait rien.

     

    Les allemands n’insisteront pas mais s’inquiéteront néanmoins pendant toute la guerre des mouvements d’or africain, notamment quand nous achetâmes des sardines au Portugal avec la petite quantité d’or qui était stockée à Casablanca.

     

    Le manque relatif d’insistance de la part d’Hemmen pour s’approprier l’or français venait certes de la position économique prise avec orgueil juste après l’armistice, mais elle s’expliquait aussi par la faiblesse de la position juridique la France, pourvue d’un gouvernement dont la légitimité était reconnue par l’Allemagne, restait propriétaire de cet or.

     

    2) L’or belge

     

     
     

    En ce qui concernait l’or belge, les allemands avaient une position juridique plus forte et ils nous le firent sentir rapidement. Maîtres de la Belgique, qui était gouvernée par un gauleiter, ils s’estimaient propriétaires de l’or belge qui s’élevait à 200 tonnes. Cet or, qui était entreposé à Kayes, les allemands le réclamaient avec force.

     

    Fait significatif à la Commission d’armistice ce n’est pas, comme les allemands l’avaient prévu tout d’abord le Gouverneur de la Banque Nationale de Belgique, M. Janssen, qui siège, mais le Commissaire allemand auprès de la B.N.B, M. Von Becher.

     

    Mais la Banque de France avait son mot à dire et sa position fut défendue avec brio par M Bolgert. Celui-ci argua en particulier que, s’agissant d’un dépôt fait à la Banque de France par la Banque Nationale de Belgique, la Banque de France ne pouvait remettre l’or qu’à un représentant accrédité de la Banque Nationale de Belgique. Or M. Janssen, nous l’avions su par un de nos collaborateurs, était opposé au retour de l’or. Cela n’empêcha pas les allemands, qui n’avaient pas oublié la dépêche d’Ems, de nous présenter deux projets de lettre rédigés par eux et rejetés par le gouvernement Janssen, projets présentés comme des copies de lettres (mais non signés) :

     

    l’un était adressé au Gouverneur de la Banque de France pour lui demander la restitution de l’or

     

    l’autre adressé au Commissaire allemand auprès de la Banque Nationale de Belgique pour lui demander de transmettre la précédente lettre au Gouverneur de la Banque de France.

     

    Finalement, l’ordre de restitution émanera, juste après Montoire, du Président Laval qui garantit la Banque de France contre tous préjudices pouvant résulter pour elle de ladite restitution. Ceci se passait le 22 décembre 1940. Le Gouverneur Jassen refusa en effet de donner décharge à la Banque de France. La livraison d’or s’échelonna jusqu’au 26 mai 1942 car toute une série de manoeuvres dilatoires avaient permis de gagner du temps. Mais cet incident m’amène à vous raconter une histoire belge dont je garantis l’authenticité et qui vaut sont pesant d’or 200 tonnes.

     

    Apprenant l’acceptation par le gouvernement français de restituer l’or belge, le gouvernement Pierlot en exil demanda à un tribunal américain de bloquer les avoirs français et sollicita l’attribution d’une quantité d’or égale à celle qui avait été livrée, par prélèvement sur l’or français stocké en Amérique. Mais, et c’est là où cette histoire prend tout son sel, le gouvernement Pierlot espérait secrètement perdre son procès, car il craignait, au cas où il l’aurait gagné, d’être invité par les américains à participer aux dépenses de guerre ! Et de fait le procès a été perdu.

     

    Que s’est-il passé par la suite ?

     

    Eh bien, dès le lendemain de la Libération, un convoi partait de Paris pour Bruxelles accompagné par celui-là même qui m’a informé de toute cette affaire. La Banque de France, très honnêtement, avait, par prélèvement sur son propre stock, rendu à la Belgique l’équivalent en or du dépôt qu’elle lui avait confié.

     

    Le 8 mai 1945, dans les décombres de Berlin, on découvrira les livres attestant la fusion des lingots d’or belges et indiquant les numéros des lingots allemands fabriqués avec.

     

    L’or allemand retrouvé a été versé à un pool de nations spoliées par une commission présidée par M. Jacques Rueff.

     

    3) L’or polonais

     

     
     
     

    Il était lui aussi à Kayes. Mais il eut plus de chance que l’or beige en raison de diverses circonstances :

    d’abord le dépôt était moins important (30 tonnes au lieu de 200),

    ensuite la position juridique de la Banque de France était meilleure ; l’or polonais avait été conduit à Kayes par un représentant de la Banque de France. Or le gouvernement polonais avait intenté un procès en restitution par prélèvement sur les avoirs français en Amérique. On fit valoir que le moindre déplacement risquait de nous faire perdre le procès.

     

    En 1942, les allemands réclamèrent à la Banque de France de leur restituer l’or polonais en puisant sur ses propres réserves. La délégation usait de tous les prétextes pour faire traîner les choses quand les allemands firent marche arrière et revinrent à leur première exigence la livraison de l’or polonais. Là encore, la délégation française prit son temps pour répondre.

     

    C’est finalement le 18 avril 1944 qu’on opposa une fin de non-recevoir aux allemands sous forme d’une leçon de droit international.

     

    Hemmen ne se tint pas battu pour autant et il déposa à M. Bréart de Boisanger une nouvelle réclamation faisant remarque à ce dernier que sa précédente réponse n’était pas polie.

     

    Quelques semaines après, la défaite allemande devait mettre un point final à la question.

     

    Quelques mots ou plutôt quelques anecdotes pour terminer ce chapitre. Elles auront trait aux dernières semaines de l’occupation de notre territoire.

     

    Avant de se replier les allemands passaient dans nos succursales pour vider leurs comptes de Reichkreditkassen. J’étais alors en poste à la succursale de Chartres quand les officiers se présentèrent. Quelle ne fut pas la surprise de notre personnel en constatant que nos "clients" ne prélevaient que le solde de leur compte après avoir soigneusement déduit le montant des chèques en circulation ! Ne me demandez pas à quoi j’ai songé.

     

    Un certain nombre de succursales jouèrent d’ailleurs à cette occasion un bon tour aux occupants sur le départ ! Elles leur conseillèrent en effet de percevoir le solde de leur compte, sous forme de chèques circulaires payables dans toutes nos succursales et, ce, en leur faisant remarquer qu’ils ne courraient pas le risque de voir leurs billets s’envoler en fumée en cas de bombardement des convois. Bien entendu quand les caissiers des Reichkreditkassen parvinrent, les uns après les autres de tous les horizons français à proximité du Rhin, nos succursales n’avaient pas la provision de billets suffisante pour honorer les chèques.

     

    C’est ainsi qu’à Nancy les troupes allemandes se firent opposer une fin de non recevoir, non seulement pour le paiement des chèques circulaires mais aussi pour l’indemnité d’occupation journalière qu’ils prétendaient toujours percevoir. Et pourtant Hemmen avait pris la précaution, peu avant de quitter Paris, et sous la menace d’un coup de force contre la Banque de faire expédier 25 milliards à la succursale de Nancy. Mais quand on reconnut cet envoi, on s’aperçut qu’il contenait des billets de 300 F et de 5.000 F de types qui n’avaient pas encore été émis ! Hemmen demanda bien qu’on réunisse le Conseil général, mais on lui répondit que la situation militaire s’y opposait et ce jour là les casques furent bien désappointés

     

    Nous sommes maintenant en août 1944. La libération de Paris est proche. Dans la capitale, la Banque fait la grève patriotique en même temps que la police. Dans quelques semaines l’évacuation totale du territoire sera achevée. L’heure de faire les comptes va bientôt sonner.

     

    Pour sa part la Banque a payé un lourd tribut à la guerre plusieurs succursales sont, en partie au moins, démolies Boulogne-sur-Mer, Boulogne-Billancourt. Caen, Brest, Saint-Lo. Quelques morts sont à déplorer parmi les agents ou les membres de leurs familles réfugiés dans les serres des comptoirs.

     

    Mais le pays tout entier a subi des pertes matérielles et humaines autrement plus importantes.

     

    L’économie est exsangue. Qu’en est-il de la monnaie ?

     

    En quatre ans, les prix (officiels s’entend) n’ont que triplé, ce qui peut étonner. En revanche, la circulation monétaire, gonflée par les avances importantes de la Banque de France (406 milliards) a sextuplé.

     

    La dette publique, quant à elle, a progressé de 696 milliards. Les français ne vont-ils pas souhaiter retrouver ces liquidités ?

     

    On peut donc dire que les allemands ont laissé derrière eux une véritable "bombe à retardement". Car, dans une ambiance forcément plus laxiste, psychologiquement, on ne pouvait maintenir la pression sur un peuple qui avait tant souffert pendant quatre ans ; le bouchon monétaire risquait de sauter avec les bouchons de champagne qui saluaient la liberté retrouvée, d’autant que la restauration de l’économie allait de son côté exercer une redoutable pression sur la monnaie.

     

    Dans de telles conditions, la Banque de France maintenant nationalisée avait du "pain sur la planche". Mais elle n’était pas sans moyens.

     

    Tout d’abord, notre réserve d’or était intacte. Par ailleurs, et la chose peut surprendre, le franc ne s’était dévalué que de 13,80 % par rapport au dollar et de 13,20 % par rapport à la livre. Il est vrai que les Etats-Unis et l’Angleterre avaient dû faire face de leur côté aux dépenses de guerre particulièrement élevées.

     

    Ensuite la Banque disposait de moyens nouveaux qui lui avaient été conférés par la loi de nationalisation du 2 décembre 1945 et dont certains avaient été mis au point en pleine période d’occupation

     

    d’une part, elle était chargée d’organiser le contrôle du crédit

    d’autre part, pour favoriser le financement de la construction immobilière et du matériel d’équipement, elle était autorisée à intervenir dans le cadre du crédit à moyen terme.

     

    Enfin, elle pouvait s’appuyer sur les lois des 13 et 14 juin 1941 relatives à l’organisation du système bancaire, seules rescapées des lois dites "scélérates" du gouvernement de Vichy.

     

     

     

    III - CONCLUSION

     

    Près de cinquante années se sont écoulées depuis la fin des événements que je viens de vous relater.

     

    Au cours de cette période la France et l’Allemagne se sont réconciliées et leurs chefs de gouvernement respectifs se sont rencontrés fréquemment pour évoquer ensemble, dans un climat d’amitié retrouvée, leurs difficultés ou leurs désaccords éventuels et, pour, si possible, coordonner leurs efforts en vue de les surmonter.

     

    Il n’empêche que les politiques monétaires de ces deux pays ont été sensiblement différentes

     

    En France, on a certes mis au point des techniques théoriquement capables, malgré le développement important de la monnaie scripturale par rapport à la monnaie fiduciaire, de laisser à l’Institut d’Emission le contrôle de la masse monétaire dans l’optique d’une meilleure maîtrise des prix. Malheureusement, le contrôle du crédit ne peut atteindre son but que (avis aux politiciens démagogues) s’il s’inscrit dans une politique globale cohérente guidée exclusivement par l’intérêt national. Il faut aussi que les divers avents économiques, les banques, les chefs d’entreprise, les salariés, les syndicats et les particuliers fassent preuve d’une attitude raisonnable.

     

    Hélas, hélas...

     

    Qu’on ne s’étonne pas dès lors que le franc n’ait cessé de se dévaluer à l’intérieur comme à l’extérieur durant le dernier demi-siècle au point que, malgré un net ralentissement de l’inflation depuis 1984, les prix de détail en France soient deux cents fois plus élevés aujourd’hui qu’en 1939.

     

    Pour sa part, l’Allemagne a mieux tiré son épingle du jeu car elle a su créer en temps utile des conditions favorables à la lutte contre l’inflation. Sa politique monétaire a, en effet reposé sur trois piliers

     

    1er pilier la traumatisation causée au peuple allemand par l’inflation dévastatrice subie entre 1920 et 1923 n’a cessé d’être présente aux esprits lorsqu’on assista entre 1945 et 1948 à un retour de l’inflation, heureusement beaucoup moins grave. Songez en effet qu’en 1923, date de stabilisation du mark, I mark nouveau correspondait à i billion (1 million de millions) de marks anciens, alors qu’en 1948, l’échange s’opéra à raison de 1 mark nouveau pour 10 marks anciens.

     

    2ème pilier la Bundesbank, créée en 1957, fut dotée d’un statut qui la déclarait expressément indépendante du gouvernement. Certes, le Président de la Bundesbank est nommé par le Président de la République après consultation du gouvernement et de la Bundesbank, mais le Président de la Bundesbank est inamovible pendant huit ans

     

    3ème pilier la loi de 1967. dite de stabilité et de croissance, équivaut à une proclamation du droit du citoyen à la stabilité et à la croissance. Cette loi s’impose aussi bien au gouvernement qu’à la Bundesbank et, constitue un cadre relativement rigide pour la politique économique de l’un et la politique monétaire de l’autre.

     

    Ces trois piliers de la politique monétaire allemande ont dc toute évidence contribué largement à faire du mark une monnaie universellement appréciée.

     

    Tout ceci explique dans une large mesure l’attitude actuelle. légèrement réticente. de nos voisins face à la perspective dune Europe monétaire (avec monnaie unique) regroupant un patchwork de pays moins rigoristes que le leur.

     

    Et pourtant. cette Union monétaire européenne. il faudrait la faire, non seulement parce qu’elle impliquerait le respect d’une discipline par les pays membres. mais aussi parce qu’elle devrait favoriser le bon fonctionnement du volet économique et donc le développement des échanges.

     

    Il faudrait la faire également. parce que dans un monde dominé essentiellement par deux blocs (américains et japonais). et donc déséquilibré, le seul espoir de résister efficacement réside, pour les pays de notre continent, dans l’union et la solidarité.

     

    Il faudrait la faire, enfin. parce que. face à une crise qui n’en finit pas de finir, la solution n’est pas de se replier sur soi-même.

     

    Souvenons-nous des précédents !

     

    N’est-ce pas en cherchant à sortir de la crise de 1929 que l’Allemagne s’est enfermée dans ses frontières... pour mieux les franchir après ?

     

    Si vous voulez mon avis personnel, je pense que la France et l’Allemagne sont appelées à devenir les deux locomotives du train de l’Europe.

     

    Ce sont elles qui tireront les wagons c’est-à-dire les autres nations qui auront bien voulu se conformer aux normes essentielles de la voie nouvelle. Les génies français et allemands, à bien des égards complémentaires, constituent un atout primordial dans cette perspective.

     

    Alors que près de trois générations ont vu le jour depuis la fin de la guerre est-il intelligent de parler encore du retour de l’esprit hégémonique allemand, voire d’ennemi héréditaire, comme l’ont fait maladroitement, pour défendre des thèses d’ailleurs opposées, certains partisans du oui et certains partisans du non au cours de la campagne du récent référendum ?

     

    Allons-nous, par des bavardages de ce genre, détourner les français de ce qui devrait être l’objectif à atteindre. Rappelons-nous ce que disait Sieburg !

     

    Assez que les technocrates de Bruxelles aient raté leur écrit en accouchant à Maastricht d’un texte plus ou moins bâclé et au surplus non précédé d’une défense et illustration objective et claire de l’Europe monétaire et économique.

     

    Au moins que les hommes politiques, quant à eux, n’échouent pas à l’oral !

     

     

    SOURCES

    http://www.anac-fr.com/2gm/2gm_25.htm


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    On a beaucoup écrit sur la collaboration d'État par ce qu'elle est la plus sensible en premier militaire puis ensuite policière conduisant à une dictature révolutionnaire dont les précédents articles ont montré l'importance sur la vie des Français, mais la question des entreprises collaboratrices semble avoir été mise à l'écart à la libération, et pourtant de nombreuses ont collaborés comme ces grandes entreprises

     

    Renault, Worms, Berliet ou les patrons se sont retrouvés en prison après la libération.

     

    Il apparait en effet que le patronat a bénéficié d'une certaine indulgence.

     

    Dans les faits, les entreprises Françaises n'avaient probablement pas d'autres possibilités que de collaborer, comment faire autrement pour exister, et pour eux ce fut une source de profits, le Reich payait bien, notre dette de l'armistice revenait sous une autre forme.

     

     

    On peut considérer, en se fiant aux meilleures estimations, qu'un bon tiers de la production industrielle Française ­ et plus de la moitié après la mi-1942 ­ a franchi le Rhin à cette époque.

     

    A titre personnel, certains patrons ont été résistants, et la proportion de ceux qui ont rejoint «l'armée de l'ombre» est peu différente, à en croire les statistiques disponibles, de celle que l'on rencontre dans les autres catégories sociales.

     

     

     

    Le Paris des collaborations

    Les Allemands à la Chambre des Députés


    Photographie anonyme, juillet 1940
    © Lapi/Roger-Viollet

    Le Paris des collaborations

    Capitale de la France allemande, Paris a perdu les lieux symboliques de la légitimité nationale. Le Palais de l'Élysée est fermé, la Chambre des députés est occupée par l'administration militaire allemande (MBF) et par la Kommandantur du Gross-Paris, et le Sénat, au Palais du Luxembourg, sert de quartier général à la Luftwaffe.
     

     

    Autour du pouvoir national-socialiste gravite un nouveau « Tout-Paris », société composite formée de Français de conviction nazie, d'opportunistes et d'hommes de main parfois libérés des prisons de la République par l'occupant.

     

    Des groupes et des partis rémunérés par les Allemands ont pignon sur rue, comme le Parti populaire français de Doriot ou le Rassemblement national populaire de Déat. 

     

    Ils s'appellent eux-mêmes les collaborationnistes.


    Le gouvernement siégeant à Vichy, il lui faut ouvrir une ambassade à Paris. C'est le rôle de la Délégation générale du Gouvernement français dans les Territoires occupés (DGTO), qui occupe le

    ministère de l'Intérieur, place Beauvau.

     

     

    Présence allemande

    Ceux des ministères qui n'ont pas été réquisitionnés par l'occupant conservent leurs locaux et les ministres font la navette entre Vichy et Paris.
     

    Le ministère de l'Information finance une partie de la propagande.

     

    À regarder ses affiches, la souveraineté du gouvernement de Vichy semble réduite à l'action familiale et sociale.

     

    Les moyens de la Propaganda Abteilung sont autrement plus amples. Ils assurent le financement de campagnes d'affiches mais aussi d'expositions imposantes, conçues dans l'esprit et le style nazis.

     

    SOURCES /http://quotidien-parisiens-sous-occupation.paris.fr/chapitre_le-paris-des-collaborations

     

    1

     

    En revanche, et c'est ce qui explique l'ampleur des livraisons au Reich, très rares ont été les cas d'entreprises résistantes, comme Hispano-Suiza, célèbre pour ses automobiles, mais surtout fabricant de matériels de guerre, dont les dirigeants, sollicités par les Allemands, ont refusé de travailler pour eux, mettant en péril l'existence même de la société et de son outil de production.

     

     

    L'atelier des usines Berliet à Vénissieux

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    De la référence les patrons sous l'ocupation

    L'économie Française a donc travaillé presque pour l'Allemagne entre 1940 et 1944 devant s'acquitter d'abord de la dette de guerre fixée par l'armistice de juin 1940, mais pratiquement fixée au cours des ans de façon unilatérale par les Allemands qui établissaient arbitrairement le taux du franc par rapport au mark.

     

     

    Les maîtres de l’image

    Cette dette, censée correspondre à l'entretien des troupes d'occupation a été en moyenne de 400 millions de francs par jour, l'équivalent de quatre millions de salaires journaliers d'ouvriers.

     

    L'emploi du terme de «collaboration économique» signifie que la politique prédatrice de l'Allemagne s'est effectuée sous administration Française comme conséquence désastreuse de l'armistice de 1940.

    La collaboration économique pendant l'occupation.

     

    A cette ponction forcée on peut y ajouter le travail des prisonniers de guerre, qui sont 1,5 million à travailler pour l'Allemagne en Allemagne pendant presque toute la durée de la guerre.

     

    En octobre 1940, on comptait en France un million de chômeurs, conséquence de la désorganisation complète de l'économie due à la débâcle.

     

    Rapidement après l'armistice, le gouvernement de Pétain décida d'autoriser les entreprises Françaises à accepter des contrats avec les Allemands.

     

    Les commandes Allemandes seront le principal moteur du redémarrage de l'économie Française.

     

    4

    Il est évident que les condamner dans ce cas aurait été un non sens comment donner du salaire, donc de quoi vivre, si les entreprises ferment pour ne pas traiter des affaires avec les Allemands.

     

    Le nombre de chômeurs était descendu à 125 000 en 1942,

    et à la Libération, il était pratiquement nul.

     

     

    De façon générale, avec les indemnités d'occupation, l'Allemagne arrive à faire travailler l'agriculture et l'industrie Française en grande partie pour son compte, en 1943, d'après les statistiques de l'Office central de la production industrielle,

    100 % de l'industrie aéronautique,

    100 % de la grosse forge,

    80 % des BTP, 60 % de l'industrie du caoutchouc travaille pour le compte de l'Allemagne.

     

    Henri Rousso note que les chiffres sont probablement surévalués, mais qu'ils donnent un ordre de grandeur correct.

     

     

    Brouillages du quotidien

     

    Brouillages du quotidien

    La réalité en clichés


    Depuis le XVIe siècle, les Cris de Paris et les petits métiers dont ils sont l'expression constituent un réservoir d'images convenues et rassurantes, propres à exprimer la permanence et l'enracinement social du peuple dans l'espace urbain.

     

    Ces stéréotypes contribuent à vider la réalité de toute force transgressive et présente du « petit peuple parisien » une version affadie et rassurante. Ils inspirent durablement la gravure ou la peinture avant de s'exprimer, selon
    des formes naturellement réinterprétées, par la photographie relevant de l'humanisme poétique.
     

     

    Les photographies réalisées à l'instigation des services de propagande de Vichy ou simplement marquées par les valeurs maréchalistes empruntent à ce répertoire convenu pour dire un Paris éternel que rien n'aurait affecté, Paris des humbles, ici figuré par des écoliers, éternels gavroches, sur les escaliers de Montmartre, des pêcheurs à la ligne
    ou la clientèle habituelle des bistrots.

     

    Ces clichés figurent un peuple de petites gens et offrent de la ville une image débonnaire, où le temps ne passe pas.

     

    Ils diffèrent de ceux qui donnent à voir ces « touristes pas comme les autres » que sont les soldats d'occupation.

     

    Ils participent d'une neutralisation de l'histoire et, par la même, d'une négation de la dureté des temps ainsi que des résistances qu'elle suscite.

     

    Sources - http://quotidien-parisiens-sous-occupation.paris.fr/chapitre_brouillages-du-quotidien

     

     

    Selon l'historien Allemand Eberhard Jäckel, « Au printemps de 1942, 170 000 Français travaillaient sur place dans les services de la Wehrmacht , 275 000 à la construction d'aérodromes et de fortifications comme le mur de l'Atlantique, 400 000 enfin à la fabrication d'armements», 

    Eberhard Jäckel ,

    «La France dans l'Europe de Hitler», Fayard, 1968, p. 320.

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    En outre, entre 1942 et 1944, le commissaire général du Reich pour l'emploi et la main d'œuvre, Fritz Sauckel 

    va exiger que la France envoie deux millions de travailleurs au titre du STO.

     

    Seuls 600 000 partent effectivement, qui s'ajoutent aux 700 000 travailleurs volontaires, volontaires et STO sont plus ou moins bien rémunérés.

     

     

    Selon le général von Senger und Utterlin de la Commission d'armistice Allemande,

    «l'industrie Française des armements de guerre fut remise sur pieds pour les armements Allemands.

     

    Sans le potentiel économique de la France, Hitler n'aurait pas pu faire durer la guerre aussi longtemps.

     

    C'est cela qui fut le grand profit qu'Hitler tira de la conquête de la France».

     

     

    Deux auteurs, Fabrizio Calvi et Marc Masurovsky ,

    montrent dans un ouvrage, Le Festin du Reich, 2006,

     

    que des banques Américaines à Paris «avaient continué à faire commerce avec les nazis pendant toute la guerre» malgré les «lois, ordonnances Américaines réprimant le commerce avec l’ennemi», et qu'elles ne furent guère inquiétées

    par la mission Matteoli.

     

     

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    Lire l'entretien avec Fabrizio Calvi sur Le Festin du Reich, mars 2007.

     

     

    * Louis Renault a été accusé à la Libération de collaboration avec l'armée Allemande.

     

    Les usines groupe Renault furent confisquées

    et nationalisées sous ce motif.


    * Gnome et Rhône fournissait des moteurs d'avions à l'Allemagne.

     

    Elle fut nationalisée à la Libération pour faits de collaboration et deviendra la Snecma, actuelle société Safran.

     

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    * Berliet
    * En mai 1941, après les premières arrestations de juifs, l'entreprise Photomaton propose ses services à l'occupant,

    «Nous pensons que le rassemblement de certaines catégories d'individus de race juive dans des camps de concentration aura pour conséquence administrative la constitution d'un dossier, d'une fiche ou carte, etc.

     

    Spécialistes des questions ayant trait à «l'identité», nous nous permettons d'attirer particulièrement votre attention sur l'intérêt que présentent nos machines automatiques Photomaton susceptibles de photographier un millier de personnes en six poses et ce en une journée ordinaire de travail», 

    Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera,

    Les Patrons sous l'occupation, Odila Jacob, 1995.


    * Des entreprises du BTP,

     

    comme Sainrapt et Brice, et des cimenteries ont participé à la construction du mur de l'Atlantique.


    * Banque Worms, bien introduite au sein du régime de Pétain, avec notamment Jacques Barnaud, 1893-1962, responsable des relations économiques Franco-allemandes et Pierre Pucheu, une présence qui a entraîné bien des fantasmes, voir la Synarchie.

     

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    La collaboration artistique

    Des hommes du monde du spectacle, par exemple Sacha Guitry, furent un moment taxés de collaboration parce qu'ils avaient, pendant l’occupation, continué à exercer leur métier et avaient entretenu des relations pour le moins cordiales avec l'occupant.

     

    De fait, si nombre d'autres artistes, comme Ray Ventura, avaient émigré à cette époque, un certain nombre d'autres ont, pour reprendre l'expression de Guitry, continué à exercer leur métier, comme tous les autres Français restés sur le territoire national, à la seule exception de ceux qui avaient pris le maquis.

     

    Il n'en reste pas moins que plus d'une personnalité des arts et des spectacles ne manifesta aucun état d'âme particulier à s'afficher régulièrement aux côtés des Allemands, et que ceux-ci furent largement mêlés pendant quatre ans à la vie d'un Tout-Paris pas toujours regardant.

     

     

    Quelques témoignages

    Panneau à l’exposition anti-juive de Paris, octobre 1941. © LAPI / Roger-Viollet 874-11, référence, La France pendant la seconde guerre mondiale.

    Je n'ai pu publier cette image, mais vous pouvez la consulter en cliquant sur la référence citée

     

     

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    Artistes de music hall rentrant d’Allemagne, Gian Roberte,

    Ginette Werden-Nello, Rinatis, Suscitio.... Paris. Juillet 1943.

    © LAPI / Roger-Viollet 2152-13, référence, 

    La France pendant la seconde guerre mondiale.

     

     

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    Retour d’Allemagne des écrivains Français.

    De gauche à droite, lieutenant Gehrard Heller, Pierre Drieu La Rochelle,

    Georg Rabuse, Robert Brasillach, Abel Bonnard, André Fraigneau et Karl Heinz Bremer. Paris, novembre 1941. © LAPI / Roger-Viollet 533-1, référence, La France pendant la seconde guerre mondiale.

    Charles Trenet sous l'occupation

     

     

    La presse collaborationniste

     

    Avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le décret-loi du 26 juillet 1936, décret Daladier, institue un «Commissariat Général à l'Information» qui dépend directement de la Présidence du Conseil. Dirigé par le diplomate Jean Giraudoux

     

    , il est chargé de contrôler les médias et mobiliser l'opinion contre l'Allemagne nazie. Pendant la Drôle de guerre, le commissariat est transformé par le décret du 1er avril 1940 en «Secrétariat d'État de l'Information et de la Propagande » du Ministère de l'Information sur lequel va s'appuyer la collaboration pour faire accepter aux Français la défaite à travers trois médias, France-Actualité pour les actualités cinématographiques, Radiodiffusion nationale et la presse écrite.

     

     

    Les principaux journaux de presse existant alors adoptent trois attitudes, soit ils se sabordent comme

    Le Canard enchaîné, l'Intransigeant, le Populaire ou l'Humanité, soit ils se replient en zone libre dès le 10 juin 1940, essentiellement sur Lyon où existent de nombreuses imprimeries, comme Le Journal, Paris-Soir ou le Figaro, soit ils décident de reparaître en zone Nord, comme Je suis partout ou Le Matin.

     

     

     

    La majorité des titres de la presse collaborationniste en zone occupée étaient subventionnés ou détenus en sous-main par l'ambassade d'Allemagne d'

    Otto Abetz, qui a créé à cet effet les Éditions Le Pont.

     

     

    La presse parisienne est dominée par la personnalité du patron de presse Jean Luchaire .

     

     

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    L'ambassade d'Allemagne exerce principalement la propagande et la Propaganda Staffel se spécialise dans la censure, notamment grâce à ses bureaux en province.

     

    A part les ultra-collaborationnistes, les journalistes agissent plus par opportunisme, appât du gain, ou lâcheté que par idéologie alors que les salaires en France sont bloqués, leurs appointements sont doublés par l'entremise de la Propaganda Staffel.

     

    La presse pétainiste en zone libre soutient majoritairement la politique collaborationniste et antisémite de Pétain en pratiquant l'autocensure car elle est contrôlée par le «Secrétariat d'État de l'Information et de la Propagande» du Ministère de l'Information, dirigé par Paul Marion puis Philippe Henriot.

     

     

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    Des dizaines d'écrivains ou journalistes de renom furent des collaborateurs. Les articles spécialisés permettent de connaître plus en détail la nature des engagements de différents écrivains de renom en faveur de l'occupant ou de la Révolution nationale.

     

     

    * Jacques Benoist-Méchin, historien
    * Henri Béraud, journaliste, écrivain
    * Abel Bonnard, académicien
    * Georges Albertini, journaliste et secrétaire général du RNP
    * Robert de Beauplan, journaliste, écrivain
    * Robert Brasillach, journaliste, écrivain
    * Charles Spinasse, député socialiste et fondateur

    de l'hebdomadaire collaborationniste Le Rouge et le Bleu
    * Louis-Ferdinand Céline, écrivain
    * Paul Chack
    * Jacques Chardonne, romancier
    * Alphonse de Chateaubriant
    * Pierre Drieu La Rochelle
    * Abel Hermant, académicien
    * George Montandon, ethnologue
    * Lucien Rebatet, romancier
    * Camille Mauclair, écrivain
    * Charles Maurras, directeur du journal L'Action française.
    * Maurice Sachs, écrivain, juif, collaborateur.

     

     

    Quelques témoignages

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    «Je suis partout», hebdomadaire politique et littéraire dirigé

    par Robert Brasillach, juillet 1941. © Roger-Viollet 11136-11, référence, 

    La France pendant la seconde guerre mondiale. 

     

     

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    Kiosque à journaux, Paris. © André Zucca / BHVP / Roger- Viollet 37817-2, référence, 

    La France pendant la seconde guerre mondiale.

     

     

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    Vente dans la rue du journal de Jean Luchaire. © André Zucca / BHVP / Roger-Viollet 37809-12, référence, La France pendant la seconde guerre mondiale.

     

     

    http://lhistgeobox.blogspot.fr/2011/06/238-pierre-dac-tout-ca-ca-fait-1944.html

     

    http://cinepsy.com/film/panique/#movie-review

     

     http://www.ajpn.org//prog/entite.php?truc=-Marseille-en-1939-1945&insee=13055&destina=commune

     


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  • Romain Gary

    ROMAIN GARY

    Groupe de Bombardement « Lorraine »
    Escadrille TOPIC
    GRB1

    Roman Kacew est né le 8 mai 1914 dans la communauté juive de Wilno (Vilnius) en Lituanie, alors sous domination russe.

    Son père était négociant en fourrure et sa mère modiste.

    En 1915, alors que son père est mobilisé dans l'armée russe, il est déporté avec sa mère vers le centre de la Russie en tant que juif des pays baltes que les Russes soupçonnent de faire de l'espionnage au profit des Allemands.

     

     

     

    En 1921, à l'âge de sept ans, il retourne à Wilno, devenu territoire polonais depuis la guerre russo-polonaise de 1920 où il vit jusqu'en 1927.

     

    Description: Romain 18 ans

    Ses parents se séparent et, avec sa mère, il gagne Varsovie où il fréquente l'école polonaise et prend des cours particuliers de français pendant deux ans.

    En 1929, Roman et sa mère émigrent en France et s'établissent à Nice.

    Roman poursuit ses études secondaires au lycée avant d'entamer des études de droit à la faculté d'Aix-en-Provence puis à Paris où il obtient une licence.

    Naturalisé français en 1935, il est appelé au service militaire pour servir dans l'aviation. Incorporé à Salon-de-Provence en novembre 1938, il est élève observateur à l'Ecole de l'Air d'Avord.

     

    Breveté mitrailleur le 1er avril 1939, parmi trois cents élèves, il est le seul, en raison de ses origines étrangères, à ne pas être nommé officier 

     

     

     

    En juin 1940, le sergent Kacew se trouve à Bordeaux-Mérignac et décide de rallier les Forces françaises libres.

     

    Il s'évade de France par avion, atterrit à Alger, séjourne à Meknès et Casablanca le temps de trouver un cargo britannique qui l'emmène à Gibraltar ; deux semaines plus tard, le 22 juillet 1940, il débarque à Glasgow.

     

     

     

     

    Dès son arrivée, il demande à servir dans une unité combattante sous le nom de Romain Gary et est promu au grade d'adjudant en septembre 1940.

     

    Affecté à l'Escadrille de bombardement Topic, il quitte l'Angleterre pour Takoradi en Gold Coast en octobre 1940.

     

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    Cette formation est rattachée aux Forces aériennes équatoriales françaises libres et devient, le 24 décembre 1940, avec l'escadrille "Menace", le Groupe réservé de bombardement n°1 (GRB1), sous les ordres du commandant Jean Astier de Villatte.

    Avec son unité, Romain Gary sert en Libye, à Koufra notamment en février 1941, puis en Abyssinie et en Syrie en juin-juillet 1941.

     

    Entre-temps, en avril 1941, il a été breveté observateur en avion et nommé sous-lieutenant. Ayant contracté le typhus et presque mourant, il reste six mois à l'hôpital.

     

     

    Rétabli, il rejoint l'escadrille de surveillance côtière en Palestine et se distingue dans l'attaque d'un sous-marin italien au large des côtes palestiniennes.

     

    Sur la base de Rayack (Liban), il est officier de ravitaillement en matériel de février à juin 1942 puis officier de liaison à l'Etat-major des FAFL du Moyen-Orient avant de rejoindre en août 1942, l'escadrille Nancy du Groupe de bombardement Lorraine.

     

     

     

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    Promu lieutenant en décembre 1942, il est ramené avec son unité par voie maritime en Grande-Bretagne où il débarque en janvier 1943 pour servir sur le théâtre d'opérations de l'Ouest.

     

     

    Le groupe est rééquipé et réentraîné dans les centres d'entraînement de la RAF A partir d'octobre 1943, l'action de bombardement du Lorraine est principalement dirigée contre les sites de V1;

     

    les Bostons qui équipent désormais le Lorraine volent rassemblés par groupe de six, en rase-mottes, accompagnés par des Spitfire de protection ; c'est dans ces conditions que le lieutenant observateur Gary se distingue particulièrement le 25 janvier 1944 quand, leader d'une formation de six appareils, il est blessé par un éclat d'obus en même temps que son coéquipier pilote Arnaud Langer lui-même gravement touché aux yeux.

     

     

     Afficher l'image d'origine

    Malgré sa blessure, il guide son coéquipier et l'ensemble de sa formation avec suffisamment de maîtrise pour réussir un bombardement très précis et pour ramener l'escadrille à la base.

    Temporairement inapte au combat, le lieutenant Gary est affecté à l'Etat-major des Forces aériennes françaises à Londres à partir de mai 1944.

     

    Capitaine en mars 1945, il a effectué sur le front de l'Ouest plus de 25 missions offensives totalisant plus de 65 heures de vol de guerre.

    Après sa démobilisation, en décembre 1945, il entre dans la carrière diplomatique en même temps qu'il publie son premier roman :

    Education européenne.

     

    Secrétaire d'ambassade, il exerce ses fonctions en Bulgarie et en Suisse.

     

     

    En 1952, il est secrétaire à la Délégation française auprès des Nations Unies à New-York, puis à Londres en 1955.

     

    En 1956, il est nommé Consul général de France à Los Angeles et reçoit le Prix Goncourt pour Les Racines du ciel.

     

     

     

    Plaque commémorative, 108 rue du Bac, Paris 7e : "Ici vécut Romain Gary, Compagnon de la Libération, écrivain et diplomate, de 1963 à sa mort, le 2 décembre 1980."
    source photo : Mu crédit photo : D.R.

     

     

    En 1967, après quelques années de mise en disponibilité passées à écrire et à réaliser deux films, il occupe le poste de chargé de mission au Ministère de l'Information pendant dix-huit mois.

    En 1975, sous le pseudonyme d'Emile Ajar, il publie La Vie devant soi, également récompensé par le Prix Goncourt, et dont on ne connaîtra réellement le nom de l'auteur qu'après le suicide de Romain Gary qui met fin à ses jours le 2 décembre 1980. Ses obsèques ont été célébrées à l'Eglise Saint-Louis des Invalides à Paris.

     

    Selon sa volonté, ses cendres ont été dispersées au large de Menton.

     

     

     

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    • Commandeur de la Légion d'Honneur
    • Compagnon de la Libération - décret du 20 novembre 1944
    • Croix de Guerre 39/45 (2 citations)
    • Médaille Coloniale avec agrafe « Koufra-Erythrée »
    • Médaille des Blessés

     

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    Principales publications:

    Education européenne, Calmann-Lévy, Paris 1945
    Tulipe, Calmann-Lévy, Paris 1946
    Le Grand vestiaire, Gallimard, Paris 1948
    Les Couleurs du jour, Gallimard, Paris 1952
    Les Racines du ciel, Gallimard, Paris 1956
    L'Homme à la colombe, Gallimard, Paris 1958 (sous le pseudonyme de Fosco Sinibaldi)


    La Promesse de l'aube, Gallimard, Paris 1960
    Lady L., Gallimard, Paris 1963
    • Frère Océan t.I : Pour Sganarelle, Gallimard, Paris 1965
    Frère Océan t.II : La Danse de Gengis Cohn, Gallimard, Paris 1967
    Frère Océan t.III : La Tête Coupable, Gallimard, Paris 1968
    La Comédie américaine, t.I : Les Mangeurs d'Etoiles, Gallimard, Paris 1966
    La Comédie américaine, t.II : Adieu Gary Cooper, Gallimard, Paris 1969
    Chien blanc, Gallimard, Paris 1970
    Les Trésors de la Mer rouge, Gallimard, Paris 1971
    Europa, Gallimard, Paris 1972
    Les Enchanteurs, Gallimard, Paris 1973
    Gros-Câlin, Mercure de France, Paris 1974 (sous le pseudonyme d'Emile Ajar)
    La Nuit sera calme, Gallimard, Paris 1974
    Les Têtes de Stéphanie, Gallimard, Paris 1974
    Au-delà de cette limite, votre billet n'est plus valable, Gallimard, Paris 1975
    Pseudo, Gallimard, Paris 1976 (sous le pseudonyme d'Emile Ajar)
    Clair de femme, Gallimard, Paris 1977
    Charge d'âme, Gallimard, Paris 1977
    La Vie devant soi, Rombaldi, Paris 1979 (sous le pseudonyme d'Emile Ajar)
    La Bonne moitié, Gallimard, Paris 1979
    Les Clowns lyriques, Gallimard, Paris 1979
    • L'Angoisse du roi Salomon, Rombaldi, Paris 1980 (sous le pseudonyme d'Emile Ajar)
    Les Cerfs-volants, Gallimard, Paris 1980
    Vie et mort d'Emile Ajar, Gallimard, Paris 1981

     

     

    Sources :
    - Archives de l'Ordre de la Libération
    - Romain Gary, le caméleon, Myriam Anissimov, Editions Denoël 2004

     

    http://www.livreshebdo.fr/article/de-kacew-ajar

     


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  •  

    "rapport Moral"  du commissaire de police de Pithiviers, le 20 mai 1940

     

     

    Le 20 mai 1940, Maurice Huchery, commissaire de Police de Pithiviers

    adresse un « rapport moral » à Antoine Lemoine, préfet du Loiret.

     

    Sans y parvenir vraiment, le commissaire se veut rassurant.

     

    Les événements sont graves mais il les relativise en les comparant à ceux de 1914.

     

    Avec beaucoup de réalisme, il décrit néanmoins le climat et le contexte d’une période qui s’annonce critique, prélude à l’exode massif et traumatisant du mois de juin 1940, sur le point de s’abattre sur « le peuple du désastre »…

     

     

    Rapport du commissaire de police de Pithiviers, le 20 mai 1940.

     

     

     

     

    Texte intégral du rapport du commissaire :

    « Les événements graves que nous traversons ont pour effet de tendre les esprits et les nerfs de la majorité de la population de Pithiviers. Comme en de pareilles circonstances déjà vécues lors de la dernière guerre, les cerveaux s’agitent et ont des visions hallucinantes, chacun est prêt à voir des espions et des suspects en toute personne inconnue, ou dont le physique semble bizarre.

     

    Nous en avons eu de nombreux exemples au cours de la semaine écoulée, où les déclarations collectives concernant les descentes de parachutistes ennemis, et leur vérification immédiate par la gendarmerie, n’ont donné aucun résultat.

     

    Scène d'exode en juin 1940.

     

     

    Notre ville a vu le passage de nombreux réfugiés venant de la région Charleville et Rethel, et les Pithivériens en ont conclu que de graves événements étaient en cours.

     

    Le lamentable exode se continua par de nombreuses voitures amenant des réfugiés de Mézières, puis de Guise, de Landrecies, etc.

     

    De nombreux véhicules portaient des traces de bombardement et de mitraillade, reçues au cours de la fuite, par le feu de l’ennemi.

    Cet exode n’offre pas une impression aussi pénible qu’en 1914, où même dans la région parisienne nous pûmes voir la cohue entremêlée de gens et de bestiaux, fuyant l’envahisseur, mais il n’en est pas moins douloureux d’assister à un défilé où femmes, enfants, vieillards munis du strict minimum indispensable, semblent aspirer à être arrivés dans un lieu sûr.

    Cet exode n’a pas été sans amener une tension d’esprit dans la population de la ville, à la suite des racontars nécessairement faits par ces réfugiés de passage ; qui, souvent ont grossi les faits existants soit pour justifier leur fuite précipitée, soit pour se donner un air héroïque (?) et s’auréoler d’une gloire illusoire, parce qu’ayant vu certaines choses qu’ici nous ne connaissons pas.

     

     

    Scène de l'exode de juin 1940

     

     

    De ces commentaires, dont malheureusement un grand nombre exhalent défaitisme et découragement, nous pouvons faire un classement se résumant ainsi :

     

    Évacués de l’Est : « Nous tenons bon, nous les aurons. »

     

    Évacués du Nord : « Ce n’est pas dit que nous en viendrons à bout, ils sont forts ! »

    Je dois ajouter que pour l’instant, les Pithivériens n’ont pas attaché une grande importance aux propos d’oiseaux de mauvais présage, pas plus qu’il nous a été permis de mettre la main sur un de ceux-là.

     

    Le remaniement ministériel et l’élévation du général Weygand sont les grandes vedettes de l’actualité, et font l’objet des conversations générales. On peut prévoir – bien que ces faits soient récents et qu’on n’aie pas encore eu à en apprécier les effets – que ces mesures soient bien accueillies du public.

    De nombreux anciens combattants nous ont offert leur aide en vue de la constitution de la garde civique, nous pouvons le redire sans crainte d’exagération, en ville le moral est généralement bon, et la confiance en l’avenir reste entière.

     

     

    Scène d'exode, juin 1940.

     

     

    La récente arrivée de l’arrêté préfectoral interdisant les bals et les orchestres dans les établissements publics sera certainement bien accueillie par la population sérieuse, ainsi vont prendre fin les rixes et provocations après boire, les incartades d’une jeunesse tapageuse, qui mettait à profit l’obscurité de la ville pour y commettre des dégâts préjudiciables tant au domaine public qu’aux particuliers.

     

     

    Aucun fait à signaler par suite de la présence à Pithiviers de soldats anglais, ceux-ci se confinent dans leur réserve raciale, et ne fréquentent personne ; il est vrai que cet élément britannique est de peu d’importance. »

    –––

     

    Source : Archives départementales du Loiret, cote 4 M 38.
    Crédit photos : Coll. Jean-Louis Audebert.

     

     

    Sources /

    https://prisons-cherche-midi-mauzac.com/varia/rapport-moral-du-commissaire-de-police-de-pithiviers-le-20-mai-1940-6991

     

     

     

     


    16 commentaires
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    LES GRANDES HEURES DES NANTIS DE L'OCCUPATION, des COLLABOS
     
     
    Il est 5h 30 du matin ce 14 juin 1940 lorsque les premiers soldats allemands entrent dans Paris par la Porte de la Villette.
     
    Le même jour, la célèbre maison close Le Chabanais affiche qu'elle sera ouverte à nouveau dès 15 heures.
     
    Le commerce des plaisirs n'a stoppé que quelques heures seulement.
     
    De même, lorsque le 5 avril 1943, un bombardement fait des victimes à l'hippodrome de Longchamps, on modifie juste le parcours pour que courses et paris reprennent au plus vite!
     
    Certains privilégiés possèdent un laisser-passer de nuit, ce sont les journalistes, les acteurs, et les chanteurs. parmi eux ? les COLLABOS !
     
     
     
     
     
    Le Paris frivole restera ainsi fidèle à sa réputation malgré les années noires de la guerre, entre le calme de 1940 et le climat d'exaspération de 1944.
     
    Les Parisiens chercheront à oublier le quotidien en de multiples évasions, et les occupants vainqueurs à s'amuser dans cette ville renommée pour ses lieux de plaisir.
     
     
     
     
     
     
    Quelle est-elle cette vie parisienne brillante et superficielle, celle d'une minorité composée d'hommes politiques, de financiers, de personnalités du Paris artistique, celle aussi que forment ceux qui servirent l'occupant ou en profitèrent, du journaliste au traficant du marché noir?
     
    Tout ce beau monde fréquente les premières, les réceptions de l'ambassade allemande, les grands restaurants, les cabarets à la mode et les lupanars chics.
     
     
    Sans se poser de questions, des artistes en tout genre ne rechigneront pas à la tâche pour satisfaire ce public avide de réjouissances:
     
    il faut assurer le repos des guerriers allemands et de leurs collaborateurs.
     
    Si la masse des Parisiens, celle qui souffre des restrictions, se distraira dans les cinémas, les théâtres et la lecture, la jeunesse, cette génération étouffée par les années de guerre, voudra, elle aussi, fuir la réalité dans les agapes mais surtout par la provocation.
     
     
    Ce sera le phénomène "zazou".
     
     
    Un certain Boris Vian, encore inconnu, y fera ses premières armes d'agitateur excentrique.
    En ce début d'été 1940, il ne reste que 700 000 Parisiens. Les affaires reprennent vite dans les cabarets avec l'enthousiaste clientèle des soldats envahisseurs. Les nazis veulent un retour rapide à la normale dans la "ville-lumière", tombée il y a 1 mois sans un coup de feu.
    On organise pour les Allemands en permission des visites guidées du Louvre, de Versailles. Des places leur sont réservées au théâtre et au concert.
     
     
    Pourtant, la troupe préfère les danseuses, et dès la fin juillet 1940, Le Lido, Les Folies Bergères, Le Casino de Paris, Le Moulin de la Galette sont pris d'assaut.
     
     
    La fin des combats, pour les cabarets et music-hall, c'est l'assurance d'une clientèle nombreuse et aussi, en période de restrictions, celle d'être ravitaillé sans compter en foie gras, champagne et charbon.
     
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    Peu à peu les Parisiens reviennent dans la Capitale et à l'automne 1940, la population retrouvera le niveau démographique d'avant-guerre.
     
    Dès lors, les personnalités et privilégiés du "Tout Paris" seront amenés à voisiner avec les officiers allemands dans les fêtes parisiennes.
     
    Toujours bien organisés, les Occupants découpent Paris en hauts lieux de la vie nocturne: une carte géographique est même publiée dans la presse allemande pour les permissionnaires de passage.
     
    A Montmartre, fleurissent les cabarets avec dîners-spectacles, où se côtoient gangsters et gestapistes français dans une atmosphère louche.
     
     
    C'est aussi le quartier préféré de la pègre corse.
     
     
    Les règlements de compte sont fréquents et ce sont les soldats allemands en goguette qui font le service d'ordre.
     
    Le Tabarin a grande réputation sur la Butte, les Allemands y font sauter les bouchons de champagne telles des salves de canon à chaque défilé de filles dénudées.
     
     
     
    Aux Champs-Elysées, les patrons de cabaret cherchent à revenir au chic d'avant-guerre avec un grand raffinement dans les décors et un service luxueux.
     
     
     
    Ils attirent ainsi la clientèle aisée et peu importe si se
    côtoient le chef tortionnaire de la rue Lauriston, et Maurice Chevalier.
     
    Le fameux Boeuf sur le Toit des années folles a toujours beaucoup de succès.
    On peut y entendre des rythmes swing et Charles Trenet.
     
    Sur la célèbre avenue, le Lido présente une revue de filles plus distinguées.
     
     
     
     
    C'est le rendez-vous des personnalités de la collaboration, notamment Jacques Doriot.
    Craignant un attentat, il a fait installer un miroir sur sa table pour surveiller derrière son dos.
     
     
    Sur les grands boulevards, à La Vie Parisienne, Suzy Solidor chante chaque soir Lily Marlène qui réussit l'exploit d'être tout à la fois l'hymne de marche de l"Afrika Korps"
    de Rommel et des Britanniques dans le désert.
     
    Avant la fin de l'année 1940, tous les music-hall d'avant-guerre ont repris leurs activités.
     
    Les mêmes chanteurs et chansonniers tournent sans cesse, car les étrangers anglo-américains et les juifs sont interdits de spectacle.
     
     
     
    C'est la ronde des Mistinguett, Edith Piaf, Fernandel, Fréhel, Damia, Suzy Delair, Andrex, Georgius, etc...
     
    Il faudra attendre 1944 pour voir de nouvelles révélations:
     
     
    Francis Blanche, Charles Aznavour, Yves Montand, les Compagnons de la Musique (bientôt "de la Chanson").
     
    Le dernier métro passe à 23 heures, le couvre-feu est à minuit, aussi l'heure des spectacles est-elle avancée.
     
    Certains privilégiés possèdent un laisser-passer de nuit, ce sont les journalistes, les acteurs, et les chanteurs. parmi eux ? les COLLABOS !
     
    Les autres doivent choisir de rentrer tôt ou de passer la nuit dans le cabaret.
     
     
    A partir de 1942, les alertes pour bombardements vont perturber la vie nocturne. Les spectacles sont aussi interrompus par des coupures d'électricité.
     
    En 1944, de nombreux cabarets devront se contenter de l'apéritif prolongé (de 17h à 23h).
     
     
    Avec l'argent du trafic et du Marché Noir, quand d'autres travaillent dur, mangent mal, et souffrent du froid, l'opposition s'accentue. 
     
     
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    Aussi attrayants que les rondeurs féminines, les plaisirs de la table prennent une importance ahurissante en ces temps de restrictions.
     
     
    L'officier allemand et écrivain Ernst Jünger commente son repas en haut du
    restaurant La Tour d'Argent:
     
    << On a l'impression que les personnes attablées là-haut, consommant les soles et les fameux canards, voient à leurs pieds, avec une satisfaction diabolique, comme des gargouilles, l'océan gris des toits sous lesquels vivotent les affamés.
     
    En de telles époques, manger, manger bien et beaucoup, donne un sentiment de puissance...>>
     
     
    Toujours numéro un, le restaurant Maxim's est un carrefour baroque où, vedettes
    (Jean Cocteau, Raimu, Sacha Guitry), marquis, comtesses, hommes d'affaires
     
    (Louis Renault), voisinent sans cas de conscience avec les pires collaborateurs français et les hauts dignitaires nazis, tel Goering, lors de quelques visites à Paris.
    Les maisons closes ne connaissent pas le chômage.
     
    Elles ont juste changé de clientèle.
     
    Une partie d'entre elles est réservée aux soldats allemands, tandis que les officiers fréquentent, avec les Parisiens privilégiés, des lieux de plaisirs plus chics:
     
    Le Sphinx, Le Chabanais (décoré par Toulouse Lautrec) et le célèbre One Two Two de la rue de Provence.
     
     
    Les patrons de ces "maisons" ne se plaignent que des difficultés à recruter des filles.
     
     
    Les Parisiens comprennent vite les nombreux avantages à fréquenter ces maisons closes bien ravitaillées en charbon et victuailles.
     
    On ne s'y donne pas rendez-vous que pour la bagatelle.
     
    On y discute au chaud en dégustant des mets et alcools introuvables dans Paris.
     
     
    L'acteur Michel Simon, grand amateur de réchauffements en tous genres, apprécie tellement ces bienfaits qu'il emménage dans un de ces lupanars.
     
     
    Edith Piaf fait de même: elle y reçoit dans sa chambre, en plus de ses amants, des compositeurs et écrivains, tandis que d'autres ébats se déroulent à l'étage du dessous.
     
     
    Michel Vigourt Seconde Guerre mondiale n° 8 / 05-06 03

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